Adam, une genèse. Lorsque vient le soir, souvent les écrivains baissent le ton. Le lit de leur fleuve romanesque se fait plus étroit, plus recueilli ; l'heure n'est plus aux symphonies, aux grands orchestres, mais plutôt à la musique de chambre. Mortuaire. L'œuvre est désormais exsangue, souvent endeuillée, même si reste tout de même la beauté. Oui, mais toute règle mérite une exception. Dans le cas présent, celle-ci se nomme John Irving. À 82 ans, l'auteur du Monde selon Garp publie son quinzième roman, Les fantômes de l'hôtel Jerome, et celui-ci déploie en long, en large et en travers, soit en près de mille pages, tout l'univers de sortilèges et de chausse-trappes qui fait l'ordinaire d'un romancier qui ne se résoudra décidément jamais à l'être, ordinaire. Un tour de force où John Irving se révèle à nouveau comme l'absolu maître des illusions de son pandémonium littéraire.
Ce serait donc l'histoire de la vie (et de celle de sa famille) d'Adam Brewster, de sa naissance en 1941 jusqu'à nos jours. Sa mère, monitrice de ski à Aspen, Colorado, l'a conçu dans l'étrange hôtel Jerome. Plus tard, elle épousera un certain M. Barlow, professeur de littérature transgenre, qui tiendra lieu de père de substitution au jeune garçon qui ignore l'identité de son géniteur... Ceci pour ne rien dire des grands-parents d'Adam, de ses tantes et de ses oncles, de ses petites amies, toutes et tous invariablement déjantés. Plus tard, devenu scénariste, c'est à l'hôtel Jerome que s'établira Adam pour tenter d'y voir plus clair dans les secrets de cette famille pour qui les problèmes sont d'abord un art de vivre...
Les fantômes de l'hôtel Jerome est comme un condensé non seulement de toute l'œuvre romanesque de John Irving, mais surtout de ses obsessions déclinées de livres en livres : les libertés sexuelles, les quêtes d'identité, les nécessaires transgressions, la lutte comme école de la vie, la bizarrerie des habitants d'une petite ville supposément conservatrice, la force des femmes... Écarts, incises, le romancier ne s'interdit rien, avec une liberté qui est celle du plus échevelé des débutants.
Les fantômes de l'hôtel Jerome
Seuil
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Élisabeth Peellaert
Tirage: 50 000 ex.
Prix: 29 € ; 992 p.
ISBN: 9782021528626