« On assiste à un enterrement… », s'émeut Benjamin Reverdy, fondateur des éditions Bouclard et membre du Collectif des éditeurs indépendants en Pays de la Loire (Coll.LIBRIS). L'éditeur fait écho à l’adoption par 64 voix contre 27 (et 3 abstentions) du budget de la Région concernant la commission 7, liée aux activités culturelles, associatives, sportives et égalité homme-femme.
Le texte était débattu ce vendredi 20 décembre au sein de l'hémicycle nantais et le résultat du vote n'a surpris personne. Christelle Morançais, présidente du Conseil régional, avait en effet annoncé en octobre dernier une coupe budgétaire drastique de 100 millions d’euros, répondant ainsi aux demandes d'économie du gouvernement. Une décision qui avait suscité colère et d'inquiétude dans le milieu culturel, notamment chez les professionnels du monde du livre.
La disparition potentielle de certaines associations
Désormais actées, les coupes budgétaires auront des conséquences immédiates pour nombre d'acteurs. Delphine Ripoche, directrice adjointe de la Librairie Durance à Nantes, se dit « atterrée ». « Bien qu’elle ne soit pas inattendue, c’est une bien triste nouvelle pour les actrices et les acteurs du monde associatif, culturel et sportif mais aussi pour tous les habitantes et habitants du territoire », a-t-elle confié à Livres Hebdo. Car avec les coupes budgétaires, certaines structures pourraient voir leur activité disparaître totalement à l'avenir, comme l'indique une étude réalisée par les pôles culturels régionaux au début du mois de décembre.
C’est le cas notamment de l’Association des librairies indépendantes en Pays de la Loire (ALIP), dont la subvention allouée par la Région - et donc supprimée - s’élève à 32 300 euros et correspond à 44,4 % du budget de la structure, selon Marie Goiset, chargée de mission et seule employée dont le poste est aujourd’hui menacé. « Nous allons pouvoir subsister quelques mois grâce à nos fonds propres et en étant extrêmement vigilants sur nos dépenses mais, à l’heure actuelle, nous n’avons aucune solution pour l'avenir », a-t-elle déclaré.
La région pousse vers le secteur privé
Lors des débats devant mener au vote, Alexandre Thébault, conseiller délégué à la culture et au patrimoine de la Région, a affirmé : « Ce qui mène à la servitude (en référence à une citation d’Albert Camus, ndlr), c’est la surdépendance à la subvention publique ». Selon lui, le secteur culturel, dont il explique n’avoir « rien contre », devrait se réinventer notamment en se tournant vers le privé avec, comme alternative, le sponsoring, les goodies, etc.
Une déclaration qui ne plaît pas à Benjamin Reverdy : « Nous demander d’aller vers le privé, c’est faire fi de notre cœur de métier ! ». De son côté, Marie Goiset qualifie cette solution d’« insatisfaisante », expliquant que, « si cela peut à la rigueur fonctionner pour des événements, ce n’est pas du tout le cas pour les associations structurantes », sujet d’ailleurs « totalement omis », selon elle, durant le vote de la matinée.
Si certains élus se sont indignés quant aux coupes budgétaires au sein de l'hémicycle - tels Céline Véron (élue Printemps Pays de la Loire) qui a dénoncé le « choix idéologique d’attaquer la culture » -, Isabelle Leroy, vice-présidente de la Région, a quant à elle assuré que ces décisions étaient prises « sans mépris ni indifférence » et constituaient « une réponse responsable à une situation qui exige une réaction immédiate ». Elle a d'ailleurs ajouté « reconnaître les actions menées par les acteurs culturels ainsi que leur rôle fondamental dans la vitalité de la région ».
Un budget voté sans discussion avec les acteurs du monde du livre
Mais aucune discussion n’a été amorcée au préalable, déplorent les professionnels de la culture. « Ils nous renvoient tout le temps au fait qu’il faut participer à l’effort collectif en termes de coupes. Ce n’est pas un problème, si on avait été alerté en amont, nous aurions pu aborder ces sujets tous ensemble pour trouver des solutions », explique Marie Goiset.
Un avis partagé par Adèle Spieser, directrice de Mobilis, pôle régional de coopération des actrices et acteurs du livre et de la lecture dans les Pays de la Loire, qui déplore l'absence de concertation ou dialogue et estime que la Région « se prive elle-même de lieux, d'événements, d'outils et de ressources précieux pour son propre territoire ».
Plus que pour leur région, l’inquiétude des acteurs du monde du livre se porte aujourd'hui surtout sur l’impact national de ces mesures : Selon Marie Goiset, « le plus compliqué est de se dire que ça va très certainement se passer dans d’autres régions ». Fataliste, Benjamin Reverdy conclut : « Je n’ai plus les mots. Mais on continuera à faire des livres ».