Littérature américaine

Joshua Cohen, « Les Nétanyahou » (Grasset) : Une visite inopportune

The writer Joshua Cohen (USA), photographed July 18, 2014, New York - Photo © Beowulf Sheehan

Joshua Cohen, « Les Nétanyahou » (Grasset) : Une visite inopportune

Avec drôlerie et finesse, le romancier américain Joshua Cohen offre une image cruelle de l'état de la judéité dans l'Amérique de la fin des années 1950. Tirage à 4000 exemplaires.

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Par Olivier Mony
Créé le 04.02.2022 à 17h30 ,
Mis à jour le 14.02.2022 à 23h10

Parmi tous les Cohen de la littérature contemporaine (d'Albert à Marcel ou encore Robert), Joshua n'est pas le moindre. Ce quadragénaire talentueux, parfois comparé à Thomas Pynchon ou à David Foster Wallace, et que Nicole Krauss a décrit comme « l'un des plus prodigieux stylistes de ce temps », a déjà publié trois romans en français. En 2019, David King s'occupe de tout (Grasset) fut très justement remarqué. Celui qui nous occupe aujourd'hui, Les Nétanyahou, est pourtant peut-être le plus abouti, drôle et intelligent d'entre eux.

Soit donc un honorable historien, Ruben Blum, fils de parents issus du Yiddishland russo-ukrainien plutôt excentriques, marié à une femme dont les propres parents ne le sont pas moins, et père d'une jeune fille qui promet de poursuivre cette longue tradition héréditaire de propension à battre la campagne... Malgré cela, Ruben a réussi à trouver un poste dans l'austère université de Corbin, sur la côte est des États-Unis, où, premier titulaire juif de l'histoire de cet établissement, il a parfois le sentiment d'être traité comme un objet de curiosité. Il faut dire que nous sommes dans l'Amérique de la fin des années 1950 et du tout début des années 1960 qui est loin encore d'avoir fait sa révolution culturelle et raciale. Or, voilà que le doyen de l'université lui demande durant l'hiver 1959-1960 particulièrement rigoureux d'évaluer la candidature d'un spécialiste israélien de l'Inquisition, un dénommé Ben-Zion Nétanyahou et pour cela de le recevoir. La visite de cet homme pieux et rigoriste, accompagné de son épouse et de ses trois insupportables fils (parmi lesquels le cadet, un certain Benyamin...) restera dans toutes les mémoires et d'abord celle de Ruben.

Bien sûr, pour ce roman, comédie de mœurs tragi-comique, Joshua Cohen s'est inspiré de faits réels. Ses Nétanyahou sont bien ceux que l'on pense et son héros s'inspire directement du grand critique littéraire Harold Bloom (à la mémoire duquel le livre est dédié). L'essentiel toutefois est ailleurs. C'est-à-dire d'abord dans l'admirable virtuosité romanesque de Cohen pour qui l'histoire de cette visite plutôt inopportune est un prétexte pour dresser un tableau d'une Amérique WASP, volontiers encore raciste, déjà en train de disparaître et qui l'ignore encore.

Joshua Cohen
Les Nétanyahou Traduit de l'anglais (États-Unis) par Stéphane Vanderhaeghe
Grasset
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 22 € ; 400 p.
ISBN: 9782246827955

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