3 avril > roman Etats-Unis

Les débuts littéraires d’Andrew Porter étaient déjà à couper le souffle. Les nouvelles regroupées dans La théorie de la lumière et de la matière (L’Olivier, 2011), recueil couronné par le prix Flannery-O’Connor, permettaient de découvrir la puissance narrative de l’Américain, professeur de creative writing à la Trinity University de San Antonio, au Texas. Lequel se révèle plus fort encore tout au long de son premier roman, Entre les jours, où il nous plonge cette fois au cœur d’une famille de Houston en plein tourment.

Chez les Harding, ce n’est pas vraiment la joie. Les parents, Elson et Cadence, après trente ans de mariage, ont divorcé. Architecte dont la carrière stagne dangereusement, Elson est désormais avec Lorna Estrada, conservatrice au musée des Beaux-Arts bien plus jeune que lui. Sauf qu’il force trop sur la boisson et a compris que cette relation n’est déjà plus très heureuse. Cadence, elle, consulte un psy qu’elle n’a guère l’air d’apprécier. Elle suit des cours du soir de gestion et a entamé une liaison avec son professeur, Gavin. Les Harding, qui se parlent maintenant par messages interposés, ont deux enfants, eux aussi dans la tourmente.

L’aîné, Richard, est inscrit à un séminaire de poésie. Ce que désapprouve son père qui n’a également guère apprécié d’apprendre l’homosexualité de son rejeton. Richard hésite à s’inscrire en master, habite en colocation, va à trop de fêtes chez un dénommé Beto dont la porte est toujours ouverte, travaille pour six dollars de l’heure dans un café, et accepte quelquefois de faire des passes pour améliorer l’ordinaire…

Sa sœur cadette, Chloe, a de sérieux problèmes. Elle vient de se faire renvoyer de son université de Nouvelle-Angleterre et semble être impliquée dans une affaire délicate avec son petit ami, Raja Kittappa, qui a vécu au Pakistan et en Inde. De retour en ville, Chloe décide de revoir Simone, sa meilleure amie au temps du lycée qui a ouvert un magasin new age, avant de prendre la poudre d’escampette…

Andrew Porter s’empare d’un sujet inoxydable et l’investit de la meilleure des manières. Ses personnages sont tous des êtres vulnérables. Ils se retrouvent chacun à leur façon comme prisonniers, sous pression, traversant une mauvaise passe, incapables de vraiment se parler, de se confier. Le romancier glisse de l’un à l’autre avec une même empathie, une même force, alternant subtilement les moments de tension et les moments de grâce. Porter parle magnifiquement du sentiment de culpabilité. De ce dans quoi l’on s’enferme, ce que l’on rejette, ce que l’on essaye sans vraiment savoir si cela va marcher.

Parfaitement rythmé et construit, Entre les jours vous attrape et ne vous lâche pas. Le résultat donne un très beau roman américain contemporain d’un écrivain manifestement promis à un riche avenir.

Alexandre Fillon

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