Il y a des premiers romans, beaucoup en vérité, qui sont pour leurs auteurs comme autant de « visites de contrôle » à la sortie de l’adolescence. D’autres, sont autant de copies de bons élèves béats devant leur maîtrise précoce de la postmodernité littéraire. Certains enfin, attestant avec douleur et maîtrise « le vivace et le bel aujourd’hui », pourraient aussi bien être premier ou ultime roman ; ils sont à eux seuls un monde, le nôtre. Les jurés Goncourt ne s’y étaient pas trompés lorsqu’ils récompensèrent aussi bien Jonathan Littell qu’Alexis Jenni.
Souhaitons donc que la curiosité des dix sages de chez Drouant les amène à prêter toute l’attention qu’il mérite au coup d’essai romanesque de Paulina Dalmayer, Aime la guerre !. En près de six cents pages, l’impétrante, Polonaise arrivée en France après la chute du Mur, journaliste pour Causeur aussi bien que pour plusieurs titres de son pays d’origine, dynamite avec rage les règles de bienséance en vigueur dans le paysage littéraire contemporain. Son livre a bien plus qu’un sujet : un personnage et un pays, des paysages, de la chair, des désirs, et la guerre au milieu qui affole les sens.
Ce serait donc l’histoire d’une jeune femme, Hanna, qui part pour l’Afghanistan. Comme chez Kessel (qu’elle cite et auquel on ne cesse de penser, pour cette belle gueule d’aube blafarde qui traverse le livre), le journalisme un « pré-texte », le rideau ouvert sur la scène de sa vie. Elle aspire à de grands désordres Kaboul, pandémonium tragique et fascinant, la comblera. Elle y fera la connaissance de deux hommes, Robert et Bastien, moitié espions, trois quarts mercenaires et tout à fait trafiquants, dans un pays où l’illicite est une ontologie. Hanna devra aller au bout de sa fascination pour les hommes en armes et les mondes qui basculent afin de trouver peut-être quelque chose comme une consolation, une résolution.
Paulina Dalmayer (qui sait qu’écrire « roman » sur la couverture de son livre est une politesse faite au lecteur…) mène son affaire de main de maître. Et les guerres dont il est ici question sont autant celle d’Afghanistan, que celle qu’une femme mène sur la ligne de front de ses désastres intérieurs. Et là non plus, il ne sera pas fait de prisonniers. Olivier Mony