Huit saisons en enfer. Cap-Breton, Canada, une île aux confins de la Nouvelle-Écosse. Un territoire magnifique mais isolé, où la perspective de faire carrière s'envole sous les rafales océaniques. La jeune Kate a pourtant décroché un diplôme universitaire mais les sciences sociales ne paient pas. Et il lui faut bien rembourser son emprunt étudiant. Alors, elle choisit de faire comme tous les hommes des provinces rurales canadiennes : partir travailler dans l'industrie pétrolière des sables bitumineux de l'Alberta. Un sale boulot, mais qui rapporte gros. Mais à quel prix ? Si le titre original - Ducks : Two Years in the Oil Sands - faisait en référence aux canards morts en masse dans les eaux putrides rejetées par les forages de sables bitumineux -, le titre français mise sur les significations multiples. Le nouvel environnement de Kate est ainsi toxique à plusieurs égards. Par les effluves nauséabonds et la poussière étrange dans laquelle les ouvriers baignent, qui donnent des boutons et, à long terme, provoquent des cancers. Par la pollution des eaux, qui tue à petits feux les populations installées en aval. Par le management délétère, qui pressurise les salariés vivant en petites communautés loin de leurs proches. Et par la masculinité déviante et considérée comme normale en ces années d'avant #MeToo, qui fait de la moindre jeune femme une proie : réflexions salaces, regards appuyés, gestes obscènes... Et un jour, le harcèlement se transforme en agression, puis en viol.
Au fil de plus de 400 pages d'un élégant gris bleuté, l'autrice décrit avec le juste équilibre entre distance et émotion cette éprouvante vie dans les camps, où le travail est pénible et répétitif, l'horizon bouché et le silence d'or. Personne ou presque à qui confier son spleen quotidien, et encore moins les agressions, car ce serait ébranler toute l'institution- des centaines de familles ont besoin de l'industrie des sables bitumineux pour survivre- et se mettre encore plus en danger. Cette toxicité permanente teintée de culpabilité ne peut que bouleverser et interroger tout un chacun sur les dérives des environnements trop masculins, sur le sens qu'on donne à un métier et, au-delà, sur le cynisme des humains qui fracturent la Terre pour un profit de court terme.
Environnement toxique Traduit de l’anglais par Alice Marchand
Casterman
Tirage: 10 000 ex.
Prix: 29,95 € ; 440 p.
ISBN: 9782203242234