Les joyaux tourtereaux de Windsor se sont juré allégeance sur une KJB. Entendez : une King James Bible. Barack Obama avait prêté serment sur une KJB — en l’occurrence, l’exemplaire personnel ayant appartenu à Abraham Lincoln. Pile 400 ans après sa première publication, le 2 mai 1611, la KJB reste le modèle de référence, « iconique » nous dit même le magazine Time , des bibles anglo-saxonnes. C’est en 1604 que le roi James avait décidé de réunir une assemblée de scoliastes pour transcrire les Saintes Ecritures en anglais «  moderne  ». La qualité littéraire — pour ne pas dire poétique — de la traduction l’a rendue insurpassable. Si elle n’est plus la plus vendue aujourd’hui (des versions « simplifiées » l’ont doublée commercialement), son aura n’a en rien diminué. Mais Time , en souhaitant «  bon anniversaire  » à cette bible quatre fois centenaire, aurait dû s’épancher sur l’épisode le plus célèbre, et le plus savoureux, de sa longue histoire. En 1631, pour les 20 ans de la KJB, deux imprimeurs londoniens lancent à grand frais une réédition de l’ouvrage. Las ! Un typographe étourdi (ou facétieux, on ne saura jamais), se trompe dans le 7 ème Commandement, qui devient «  Thou shalt commit adultery  ». Vous imaginez le scandale. Les imprimeurs sont condamnés à une amende de 300 livres de l’époque (l’équivalent d’une fortune aujourd’hui) et se voient retirer leur licence. Et tous les exemplaires de «  The Adultery Bible  », comme on l’avait aussitôt rebaptisée (ou aussi «  The Wicked Bible  » : la Bible scélérate), sont brûlés. Tous ? Non, bien sûr. Quelques-uns — une poignée — ont réchappé au massacre, et sont aujourd’hui considérés comme des collectors de grande valeur. La New York Public Library en possède un, qu’elle garde jalousement dans ses coffres. Un site spécialisé de vente de bibles rares et anciennes se targue actuellement d’avoir «  le seul exemplaire à vendre au monde  ». Mise à prix : 90 000 dollars. Ça fait cher de l’adultère… Mais le plus drôle, dans cette histoire, c’est le commentaire qu’en fit à chaud, il y a 380 ans, George Abbot, l’archevêque de Canterbury : «  J’ai connu une époque où le plus grand soin était apporté aux livres imprimés, et tout particulièrement aux Bibles. On faisait appel aux meilleurs correcteurs et compositeurs, le papier était d’excellente qualité et tout était fait pour atteindre la perfection, mais aujourd’hui le papier est exécrable, les compositeurs sont nuls et les correcteurs analphabètes . » Bref, rien de nouveau sous le soleil…   *** Post-scriptum qui n’a rien à voir à propos de Stéphane Hessel : Un titre magnifique, un best-seller incroyable, comme on n’en avait plus vu depuis longtemps, et tout cela pour quoi ? Pour appeler à voter Nicolas Hulot. Moralité — comme aurait dit Signoret : L’indignation n’est plus ce qu’elle était.        
15.10 2013

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