Katharina Volckmer, «Jewish Cock» (Grasset) : Le monologue du chemin

KATHARINA VOLCKMER - Photo © JF PAGA

Katharina Volckmer, «Jewish Cock» (Grasset) : Le monologue du chemin

Katharina Volckmer se confesse, sans frilosité, sur les maux qui hantent son corps de femme et l'Allemagne. Un sacré choc !

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Par Kerenn Elkaim
Créé le 09.07.2021 à 12h30

« D'une certaine manière, nous ne sommes que cela, les histoires des autres. » C'est pourquoi la littérature nous parle autant, quitte à nous pousser dans nos retranchements. Katharina Volckmer n'y va pas de main morte. Elle nous fait bruyamment part du poids qui l'a écrasée tant d'années. Née en Allemagne en 1987, elle travaille à la cession de droits d'une agence littéraire à Londres. C'est par cet intermédiaire qu'elle fait la connaissance de l'éditeur français Joachim Schnerf, qui s'occupe des lettres étrangères chez Grasset. Flairant un jeune talent, il l'encourage à écrire ce premier roman. Fait inhabituel, sa maison d'édition en détient désormais les droits mondiaux. Le bouche-à-oreille attire Ian McEwan et suscite l'intérêt dans de nombreux pays, dont l'Allemagne.

Au silence de sa terre natale, Katharina Volckmer oppose une logorrhée fracassante. Celle d'une trentenaire installée dans un cabinet médical, pendant qu'un homme garde la tête entre ses jambes. Le Docteur Seligman n'a pas droit à la parole, mais il incarne à lui seul tout un symbole. « Vous faites partie d'une minorité lourdement persécutée », les Juifs, envers lesquels la jeune femme éprouve une profonde culpabilité. « Une nuit, j'ai rêvé que j'étais Hitler. Ça me gêne horriblement d'en parler. » Impossible de se débarrasser de ce lourd passé qui a constitué sa génération. « Je pensais que la seule façon de conjurer l'Holocauste serait de tomber amoureuse d'un Juif. » Pessimiste, elle trouve une méthode plus radicale...

« Je ne vois pas comment nous pourrions redevenir humains », si ce n'est en mettant des mots sur ce cheminement étonnant. Comme si elle nous obligeait à la regarder en face sans ciller. Cette héroïne atypique suscite tantôt un malaise voyeuriste, tantôt une hilarité inattendue. Ce texte cru et sarcastique (traduit par Pierre Demarty) nous jette sa vérité à la figure. Celle d'une femme perdue dans son identité nationale et sexuelle. « Je regrette d'être née dans cette immonde peau humaine. » Aussi est-il temps de renaître à soi autrement. « Notre chair est pleine de mensonges », or « il faut avoir un corps pour aimer. » Dépourvu de tabous, ce texte volontairement provocant, embarrassant et féministe, nous parle aussi de désir, de solitude et de droit à la différence. Transgressif et jouissif !

Katharina Volckmer
Jewish Cock Traduit de l'anglais par Pierre Demarty
Grasset
Tirage: 8 000 ex.
Prix: 19 € ; 200 p.
ISBN: 9782246823179

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