Des bleus à l'âme et au corps. Un bunker désaffecté sur la côte normande. Max et Lou s'y retrouvent chaque jour pour descendre quelques bières et rêver les yeux rivés sur l'horizon. Au-delà, l'Angleterre et « les mille vies d'Yvan », le grand frère parti tenter sa chance loin des pères avachis dans les canapés et des coups qui pleuvent les soirs de défaite de l'OM. De la jetée, des lycéens s'élancent, sous le regard des pêcheurs et des poissons. Max et Lou les observent de loin, comme ils observent à travers les jumelles de la promenade « la fille sans prénom » qui vit dans un immeuble au pied de la falaise. L'été s'installe, l'ennui avec. Les gens d'ici s'étonnent de l'immuable retour des touristes. « Faut être honnête, les vacances en Normandie c'est qu'il y a eu une couille quelque part [...]. Ici c'est plage galets pour bleus genoux, c'est frites bien grasses et sandwichs triangles premier prix, c'est pique-nique sur la plage, pas resto sur la Croisette. »
De ses yeux d'adolescent tout juste entré dans l'âge adulte, Lou saisit la tendresse et la violence qui composent son quotidien : la gouaille de l'épicier qui ne rechigne jamais à faire crédit, la toute-puissance de la dame pipi exigeant ses cinquante centimes, le désespoir des mères face aux maris et aux fils qui boivent ou désertent. Quand Max ôte son t-shirt, Lou aperçoit des taches sur son flanc droit. « C'est bleu. Bleu de la couleur du logo du PSG, de la couleur d'un pack de 1664 ou de la mer un jour de pluie. » Mais il ne dit rien. « Le poing de son père imprimé sur ses côtes, nous deux déjà pleins de bière et notre silence, tout ça, réalité. Rien d'autre que la réalité. Alors pour empêcher que ça le devienne, on ferme bien nos gueules. » Cet été-là aura un avant et un après dans la vie de Lou qui, avec l'aide de sa mère, tasse quelques affaires dans un sac-poubelle pour faire sa rentrée ailleurs. Le drame survenu est en une du journal local, placardé à l'entrée du tabac.
Après ça est le récit d'une initiation sans concession, ancré dans le réel de « celles et ceux qui font au mieux », auxquels Eliot Ruffel dédie son premier roman. Composé par petites touches signifiantes (couleurs, odeurs et bulles formées dans l'estomac par la bière, les frites et la mayonnaise), il épouse la poésie brute de son auteur et le rythme de sa langue qui sait laisser place aux silences, au creux desquels se niche la beauté de l'amitié liant Max et Lou. Un texte à lire au cœur de l'été, une voix à découvrir absolument.
Après ça
L'Olivier
Tirage: 6 000 ex.
Prix: 17,50 € ; 160 p.
ISBN: 9782823621327