Le consentement apparaît partout, aujourd'hui, dès lors qu'il s'agit de sexualité. S'il est présenté comme la solution préalable à toute activité sexuelle, il est aussi envisageable comme une injonction faite aux femmes de savoir absolument exprimer ce qu'elles veulent. Telle est la thèse de Katherine Angel dans Demain le bon sexe - Les femmes, le désir et le consentement, qui révèle un paradoxe dans la culture du consentement.
Ce brillant essai expose un problème fondamental inhérent au désir et à ses expressions. L'auteure ne s'oppose évidemment pas au consentement, bien au contraire, mais elle interroge les dangers et les écueils vers lesquels l'incompréhension du terme - certes chargé de troubles et de complexité - peut mener. « Consentir, dire oui et exprimer son désir garantissent-ils le plaisir ? Empêchent-ils les hommes d'instrumentaliser les femmes ? »
Instincts contraires
Les premières pages du livre décrivent une rencontre filmée entre la star du porno James Deen et une jeune fan volontaire pour tourner une scène avec lui. Des discussions et de la séduction érotique précèdent le passage à l'acte. James Deen s'assure et veut prouver que la fille consent, même si sa crainte d'être jugée - « on va te prendre pour une pute » - se lit sur son visage. « Dans le film, je vois l'expérience douloureuse - et familière - d'être écartelée entre des instincts contraires ; de devoir mettre en balance désir et risque », commente Katherine Angel. La chercheuse insiste sur l'injonction paradoxale subie par des femmes qui se retrouvent dans une impasse culpabilisante : devoir assumer leurs désirs - être fortes et honorer cette figure idéalisée de la femme libre « qui peut tout surmonter » -, et s'exposer à la violence, à la punition voire à l'humiliation pour avoir assouvi ces désirs largement poussés par la culture de la libération sexuelle et du consentement « enthousiaste ».
Selon cette logique, les femmes qui ne disent pas non assez fort, celles qui boivent ou présentent une quelconque vulnérabilité, réuniraient les conditions de leur agression. Or « il n'incombe pas [aux femmes] d'avoir une sexualité qui n'admet pas l'abus ; il incombe aux autres de ne pas abuser d'elles », suggère Katherine Angel. Il s'agirait plutôt, pour l'auteure, de saisir la sexualité comme une « conversation », qui admette la vulnérabilité comme « l'état qui rend la découverte du désir possible ». Un dialogue où les besoins, les risques et les plaisirs sont également partagés.
« [Il ne faut] pas croire [...] qu'en disant oui au sexe, on dit non au pouvoir », écrivait Michel Foucault dans son Histoire de la sexualité. Alors, à quand le « bon sexe » ?
Demain le bon sexe. Les femmes, le désir et le consentement Traduit de l'anglais par Caroline Nicolas
Éditions du Détour
Tirage: 2 500 ex.
Prix: 19,90 € 224 p.
ISBN: 9791097079963