Au IVe siècle après J.-C., le concile d'Elvire exclut de la communion tout homme« abandonnant les rapports naturels avec la femme ». Pis encore, les homosexuels sont carrément condamnés aux flammes. Six cents ans plus tard, de l'autre côté de l'Atlantique, plus de bûchers pour les sodomites mais quand même... chez les Bentley les gays ne sont pas les bienvenus. C'est ballot, Kevin, leur fils, en est.
À 22 ans, il prend ses cliques et ses claques. Au revoir les parents ! À leurs yeux, Kevin a fait des siennes. Il a encore découché, à savoir couché « avec un mec rencontré au Pet Shop Bar », se souvient l'auteur de Mes animaux sauvages. Tu seras plus heureux parmi des gens comme toi, pleurniche la mère du narrateur de ces journaux qui s'étalent de la fin des années 1970 aux années 1990. En guise de mots d'adieu, le père n'a, quant à lui, que des interjections : « Taré ! Pédé ! Tapette ! »
Bye bye Texas ! Hello San Francisco ! Kevin Bentley trace sa route dans une Coccinelle rouge, avec 500 dollars dans la chaussette. 1977 : la ville sur la baie, naguère investie par la Beat Generation, est devenue un front du combat pour les droits LGBT. Mais Bentley est moins un Harvey Milk qu'un jeune homo plein de sève prêt à jeter sa gourme. Après un job à vendre du pop-corn dans un cinéma porno, ce littéraire devient libraire.
La carrière ne le concerne pas. S'il ambitionne d'écrire, il trouve l'inspiration du côté de ses expériences intimes. Encore que l'épithète « intime » suggérerait quelque dichotomie entre le dedans et le dehors, une espèce de duel entre l'âme et le corps... Ici, ce ne sont qu'ébats spontanés et culbutes jubilatoires, on est loin du long coming out façon Isherwood, voire de la rebelle attitude trash à la Dustan. On aurait plutôt affaire au guide des pratiques homosexuelles Les joies du sexe gay d'Edmund White illustré par des anecdotes et des portraits au naturel. Polk Street et autres rues, Kevin écume les bars et les clubs. On se défonce et on baise. L'hédoniste explore la ville comme un corps, par les corps. Les garçons défilent, c'est chaud et cru, hard et tendre. Mes animaux sauvages, c'est « histoire de mon vit », ou l'incarnation débridée du Casanova gay. Safe sex ? Connaît pas. Le désir n'est jamais safe. Mais Némésis s'invite, qui a pour autre nom sida...
Mes animaux sauvages Traduit de l'anglais (États-Unis) par Romaric Vinet-Kammerer
Philippe Rey
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 20 € ; 304 p.
ISBN: 9782848768588