La proposition de loi (PPL) “tendant à encadrer les conditions de la vente à distance des livres et habilitant le gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions du code de la propriété intellectuelle relatives au contrat d'édition” sera finalement discutée en seconde lecture en séance plénière au Sénat le jeudi 26 juin à 9h30, et non ce lundi 23 juin comme il était initialement prévu. L'objectif du premier point est de contenir l'expansion d'Amazon dans le marché du livre, jugée dangereuse pour le maintien de la diversité de la production éditoriale.
Lors de l’examen du texte le 18 juin devant la commission de la culture, les sénateurs ont approuvé à l’unanimité le texte qui leur a été transmis par l’Assemblée, ce qui peut laisser présager un vote identique en séance plénière, en dépit des réserves de la Commission européenne révélées par Bariza Khiari, rapporteur de la PPL.
Mi-juin, le cabinet du ministère de la Culture s’était montré plus évasif sur les échanges entre le gouvernement français et la Commission à propos de ce texte, laissant entendre qu’il s’agissait d’une procédure formelle. Le rapporteur en précise autrement la nature : “Se sont ouvertes, entre la Commission européenne et le Secrétariat général des affaires européennes, d'âpres négociations en vue d'adapter la mesure aux remarques émises. Il en ressort que si les autorités européennes semblent prêtes à se laisser convaincre par le dispositif de la proposition de loi, cette acceptation ne pourra se faire qu'au prix d'une renonciation préalable de la France à la mesure consistant à interdire la gratuité des frais de port, que la Commission estime disproportionnée. À défaut, la France se trouverait sous la menace d'un contentieux et, partant, d'une condamnation.” Estimant qu’il s’agissait d’un “chantage”, selon Bariza Khiari, les sénateurs ont refusé tout amendement à ce texte.
Le rapporteur a listé les remarques de la Commission. Celle-ci “estime tout d'abord que le dispositif prévu pourrait restreindre la liberté de fournir des services pour les détaillants de livres en ligne établis dans d'autres États membres. Elle émet également des doutes quant à la pertinence des mesures envisagées au regard de l'objectif visé. Elle s'interroge, en outre, sur les risques que pourraient faire porter les contraintes appliquées aux détaillants en ligne sur les libraires qui souhaiteraient se positionner sur le marché du livre en ligne sans disposer de l'assise économique des plateformes existantes. Enfin, elle reproche aux autorités françaises de ne pas lui avoir fourni suffisamment d'éléments pour juger de la proportionnalité du dispositif.”
L’Autriche a également émis des réserves, rapportées précisément au Sénat : “Pour les bibliothèques scientifiques, qui commandent des monographies en nombre, il découlerait de la mesure française un enchérissement notoire des commandes de livres qui les pénaliserait sensiblement.”
La PPL comporte une autre disposition concernant l’adaptation du contrat d’édition, résumée par le rapporteur, et qui ne soulève pas de difficulté : “Ce nouveau contrat, qui modifie celui en vigueur depuis 1957, édicte de nouvelles règles dans trois domaines. Les contrats d'édition, tout d'abord, devront désormais couvrir l'édition numérique des ouvrages, conformément à une série de règles s'appliquant à l'ensemble d'entre eux. Est également précisée l'obligation de reddition de comptes qui pèse sur l'éditeur, comme la possibilité pour les parties de mettre fin au contrat pour défaut d'activité économique. Une deuxième série de dispositions, ensuite, concerne l'exploitation imprimée et traite de l'exploitation permanente, de la diffusion commerciale et des procédures de résiliation. Enfin, de nouvelles règles ont été fixées pour l'exploitation numérique, notamment pour ce qui concerne les modalités de rémunération des auteurs.” Ces règles seront adoptées par ordonnance.