La polémique sur la gratuité du port de livres vendus via internet déborde largement du cadre professionnel pour s’étaler sur la place publique. Depuis sa condamnation sur plainte du Syndicat de la librairie française (SLF) mi-décembre, Amazon.fr a déplacé le combat judiciaire sur le terrain de la communication. Le P-DG d’Amazon, Jeff Bezos lui-même, a appelé les internautes à lui manifester leur soutien en signant une pétition en ligne dont Amazon.fr assure qu’elle aurait déjà recueilli 130 000 signatures.
L’historien Thierry Wolton est venu enfoncer le clou en faisant publier dans
l’édition du Monde datée du 19 janvier une véritable diatribe contre les libraires accusés de mener un combat « d’arrière-garde » qui « sent son poujadisme en pratiquant un corporatisme qui n’a rien à voir avec la défense du livre ».
Le SLF a décidé de ne pas participer à ce débat alors que l’action en justice se trouve relancée par le recours en appel d’Amazon.fr. Cependant, certains libraires réagissent à titre individuel, tel Christian Thorel, de la librairie Ombres Blanches (Toulouse), dont Livres Hebdo publiera le courrier vendredi prochain. De même Lekti-ecriture.com, association d’une cinquantaine d’éditeurs indépendants, commercialisant leurs ouvrages sur Internet, invite depuis le 19 janvier les internautes à signer un texte intitulé « Appel pour le livre ».
Le texte de Lekti-ecriture dénonce notamment la politique commerciale très agressive d’Amazon.fr : « Amazon exclut désormais, de manière systématique, la présentation de livres dont les éditeurs refusent de se soumettre à leurs conditions commerciales. La politique des frais de port offerts par Amazon est rendue possible par la demande de surremises aux éditeurs, non par une plus grande efficacité économique, contrairement à ce qu’il est souvent affirmé. La gratuité des frais de port est une illusion, puisque ce dispositif est “financé” par les éditeurs, à qui il est demandé une remise plus importante ».
Pour la seule journée du 21 janvier, plus de 400 signatures étaient enregistrées. Dans sa lettre, Joel Faucilhon, responsable de Lekti-ectriture.com, interpelle aussi les pouvoirs publics pour leur demander de faire respecter les décisions de justice mais aussi de « renforcer les dispositions de la loi sur le prix unique ».