La Bibliothèque Mazarine présente, depuis début la mi-juin une passionnante et émouvante exposition consacrée à Guillaume-Thomas Raynal, l'auteur de la Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes . Cette œuvre encyclopédique a connu un rôle déterminant (conduisant notamment à l'abolition de l'esclavage). C'est aussi un succès public, qui a suscité maintes réactions d'importance sous firme de censure, de réponses livresques et de... contrefaçons. Certains exemplaires aujourd'hui très rares sont exposés à la Mazarine (le catalogue de l'exposition, Raynal, un regard vers l'Amérique , est coédité avec les éditons des Cendres). Rappelons que, de nos jours, c'est l'article L. 122-4 du Code de la Propriété intellectuelle (CPI) qui définit la contrefaçon, sans toutefois la nommer. Il s'agit de « Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. » Quant à l'article L. 335-2 du CPI, il énonce : « Toute édition d'écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture ou de toute autre production, imprimée ou gravée en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon; et toute contrefaçon est un délit. » La contrefaçon, c'est donc l'utilisation illicite, qui peut prendre des formes très diverses, d'une œuvre protégée par la propriété littéraire et artistique ou, plus exactement, d'un élément protégé par le droit d'auteur d'une œuvre qui n'est peut-être pas elle-même protégée en tous ses éléments. Aux yeux des juridictions, la contrefaçon repose sur la conjugaison de deux éléments indispensables : un élément matériel et un élément moral. L'élément matériel, c'est l'acte en lui-même. Il peut être des plus divers et adopter les formes les plus inattendues. La contrefaçon peut porter sur n'importe quel élément protégé par le droit d'auteur: titre, texte, composition typographique, illustrations, couverture, etc. L'édition pirate à quelques centaines d'exemplaires d'un texte protégé - comme cela se pratique encore dans le milieu de la bibliophilie ou dans certains pays - relève de la contrefaçon. Mais un auteur qui vend deux fois ses droits sur une même œuvre commet aussi une contrefaçon, à laquelle est, par surcroît, associé l'éditeur ayant signé en second. L'éditeur qui publie sous une forme non prévue dans le contrat d'édition commet également une contrefaçon. Il en est de même lorsqu'il fait imprimer un nombre d'exemplaires supérieur à la quantité agréée par l'auteur. Un seul exemplaire litigieux suffit à caractériser une contrefaçon. Si l'éditeur recède des droits qu'il ne possède pas, il devient contrefacteur. La contrefaçon peut bien entendu se produire d'un genre à un autre : contrefaçon d'un roman par un film, d'une œuvre architecturale dans un livre, etc. La notion de contrefaçon recouvre également les atteintes au droit moral. La contrefaçon existe aussi pour d'autres droits de la propriété intellectuelle que le droit d'auteur. L'atteinte à une marque - qui sert, par exemple, à protéger certains titres de collection - peut être constitutive d'une contrefaçon. Il existe, en matière de contrefaçon, une infraction de débit (autrement dit de vente ou de distribution), d'importation et d'exportation d'œuvres contrefaites. De même, quiconque est pris dans la chaîne d'exploitation sera susceptible d'être poursuivi, de l'imprimeur au libraire, à charge pour eux de se retourner contre les véritables coupables. La bonne foi de tels « contrefacteurs » peut cependant être alors plus facilement démontrée. Quant à l'action civile, elle permet d'obtenir des dommages-intérêts qui peuvent venir réparer aussi bien le trouble dû à la piètre qualité de la contrefaçon que les ventes manquées en tant que telles. Quand les chiffres exacts de la contrefaçon restent méconnus ou difficilement quantifiables (par exemple, dans un cas de plagiat ou d'une atteinte au droit moral), l'évaluation des indemnités se fait de façon forfaitaire.