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Le 3 mars 2015, Recep Erdogan, le président de la Turquie, a été condamné par un tribunal stambouliote au profit du sculpteur Mehmet Aksoy. Le chef de l’Etat s’en était pris à une statue de 30 mètres de haut qui a été érigée à Kars, à la demande du maire de cette ville frontalière avec l’Arménie. L’œuvre, une main et deux visages symbolisant l’amitié, avait été qualifiée de “monstrueuse” par Recep Erdogan, alors qu’il était  Premier ministre. La sculpture, que le candidat Erdogan vouait à la destruction, était restée inachevée.

En France, le droit de critique ou à la polémique n'existent pas en tant que tels. Il s’agit tout au plus d’une tolérance traditionnelle que la jurisprudence reconnaît notamment au profit des recensions d’œuvres littéraires. A ce titre, les magistrats peuvent même admettre que les critiques de livres soient parfois extrêmement vives. Les juridictions ont toutefois depuis longtemps souligné que cette tolérance ne pouvait permettre de s’affranchir totalement des règles draconiennes qui président toujours au droit de l’information.

Les juges ont, à de nombreuses reprises, rappelé que la critique doit en particulier rester objective et correcte. Elle est admise si elle est “émise en termes qui peuvent être sévères mais qui doivent toujours demeurer corrects et dépourvus d'intentions malveillantes et [si] elle ne dégénère pas en dénigrement injurieux de la personne de l'auteur et de ses actions”.

De plus, il a déjà été jugé à de nombreuses reprises que la critique est libre tant qu’elle ne met pas en cause non seulement la personne de l’auteur lui-même, mais encore ni sa considération professionnelle ni sa probité.

La Cour de cassation sanctionne depuis longtemps les “digressions diffamatoires”, telles que l’affirmation selon laquelle un écrivain n’était pas le véritable auteur du best-seller qu’il signe ou même encore le fait de souligner un manque de sérieux ou un défaut d’impartialité.

D’autres règles – issues de la responsabilité civile classique ou du Code de la propriété intellectuelle – permettent également de sanctionner des critiques littéraires, en cas de citations abusives ou tronquées.

Rappelons que les éditeurs de livres, qui se plaignent à l’unisson avec leurs auteurs des mauvaises critiques, sont eux-mêmes attaquables. Les éditeurs de guides gastronomiques le savent.

Le 4 février 2003, la Cour d’appel de Colmar a donné raison à l’éditeur de Gault Millau, poursuivi pour avoir éreinté un chef en ces termes : “un homme d’affaires avisé qui s’est mis dans l’air du temps et a imaginé un concept ; celui du car de touristes allemands épris d’exotisme au point de tâter de la choucroute hors de leurs murs ; résultat : une caricature de cuisine alsacienne”.

Un poissonnier qualifié de “danger public” a ainsi obtenu gain de cause, devant la Cour de cassation, le 24 septembre 1996. Et, le 8 février 1994, la même juridiction a aussi estimé que l’auteur d’un article de Cuisine et Vins de France “s’est borné, après un dîner dans un restaurant, à faire, en sa qualité de critique gastronomique, des commentaires s’inscrivant dans la série de comptes-rendus effectués à la suite de visites périodiques dans divers établissements de même nature et régulièrement mis à jour ; […] il a agi sans malveillance, sans omettre de mentionner tous les éléments que le devoir d’objectivité commandait d’insérer pour informer les lecteurs et les futurs consommateurs”.

La critique est aisée et le procès, quoique perdu, facile.
03.04 2015

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