Le Monde des livres a été contraint de publier, ce printemps, sous forme de communiqué judiciaire le droit de réponse qu’avait adressé en vain un auteur à la suite d’un article sur son ouvrage. Et, le 26 juillet dernier, The Daily Telegraph a perdu en justice contre la sociologue Sarah Thornton, auteure de Seven Days in the Art World ( Sept jours dans le monde de l'art , Autrement, 2009). La recension de son livre énumérait notamment de supposées erreurs factuelles. Pour justifier une condamnation à hauteur de 75 000 euros, en particulier pour diffamation, le juge de la Cour Suprême d’Angleterre et du Pays de Galles a estimé que l’article litigieux «  ne porte pas seulement sur la pratique professionnelle. C’est une attaque envers l’honnêteté du Docteur Thornton . » Le droit de critique, tout comme le droit à la polémique, n'existent pas en tant que tels. Il s'agit tout au plus d'une tolérance traditionnelle que la jurisprudence reconnaît notamment au profit des recensions d'œuvres littéraires. A ce titre, les magistrats peuvent même admettre que les critiques de livres soient parfois extrêmement vives. Les juridictions ont toutefois depuis longtemps souligné que cette tolérance ne peut permettre de s'affranchir totalement des règles draconiennes qui président au droit de l'information. Les juges ont, à de nombreuses reprises, rappelé que la critique doit en particulier rester objective, c'est-à-dire qu'elle doit être «  émise en termes qui peuvent être sévères mais qui doivent toujours demeurer corrects et dépourvus d'intentions malveillantes  » et [ne doit pas dégénérer] «  en dénigrement injurieux de la personne de l'auteur et de ses actions  » De plus, il a déjà été jugé que la critique est libre tant qu'elle ne met en cause ni la personnalité de l'auteur lui-même, ni sa considération professionnelle et sa probité. La Cour de cassation sanctionne inéluctablement les «  digressions diffamatoires  », telles que le fait de souligner un manque de sérieux de l'auteur, son défaut d'impartialité ou encore d'affirmer qu'il n'est pas le véritable auteur du best-seller qu'il signe. Enfin, pour en revenir au Monde des livres , la jurisprudence a toujours admis l'application pleine et entière aux critiques des dispositions légales sur le droit de réponse et de rectification, qui est ouvert à toute personne mentionnée dans un article qu'il soit défavorable, neutre, voire élogieux. Il a même été souligné que «  le droit de réponse n'est pas la sanction d'une critique fautive et partisane  », mais le simple exercice d'une prérogative légale. Mais, après cette décision de justice, le risque est important pour les organes de presse de se retrouver envahis par des droits de réponse et de rectification intempestifs de la part des écrivains ou même de leurs éditeurs. Les réformateurs des lois sur la presse avaient, en 1919, évoqué en vain la possibilité d'exclure du droit de réponse ceux qui avaient sollicité une critique de leurs travaux.  
15.10 2013

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