Tout, chez Pearl Buck (1892-1973), est romanesque. Sa vie d’Américaine, fille de missionnaire presbytérien, qui passa quarante ans de sa vie en Chine qu’elle considérait comme sa seconde patrie. Devenue écrivaine, elle s’engagea aux côtés des peuples asiatiques, pour les droits civiques, les droits des femmes, ceux des handicapés, ou des enfants d’unions mixtes, les "métis", l’une des problématiques centrales de L’énigme éternelle. Dès 1931, son œuvre, avec Terre chinoise, lui a valu célébrité et récompenses : prix Pulitzer en 1932 (elle est la première femme à le recevoir) et prix Nobel de littérature en 1938. Cette Enigme éternelle nous parvient aujourd’hui par miracle, ainsi que le raconte dans sa préface Edgar Walsh, l’un des sept enfants qu’elle adopta avec son second mari et éditeur, Richard J. Walsh. Réapparu au Texas dans une vente publique en 2012, cet ultime roman est parvenu à Edgar Walsh début 2013. Il l’a authentifié, mais en a aussi constaté les lacunes, certaines interventions malvenues, et en a assuré l’édition, laissant cependant la fin en l’état.
Stéphanie Kung, la belle et richissime sino-américaine, fille d’un marchand d’art, s’est sacrifiée, refusant d’épouser le héros, Randolph Colfax, un jeune surdoué millionnaire, en dépit de leur amour réciproque, afin de ne pas avoir d’enfants métis qui auraient pu souffrir du racisme et du communautarisme américains. Mais on ignore ce que va devenir le garçon, comment il refera sa vie, avec tous ses atouts, jeunesse, beauté, argent, intelligence, vaste culture, et nombre d’expériences personnelles qui lui ont forgé l’âme : la mort de son père lorsqu’il avait 12 ans, puis celle de son grand-père maternel, un milliardaire excentrique spécialiste de la para-psychologie, qui avait vécu en Chine ; une longue initiation sexuelle en Angleterre, dans le château de lady Mary Seaton ; la guerre, en Corée, dont il rapportera Choi, un témoignage qui fera scandale mais lui apportera la notoriété littéraire ; et enfin, la rencontre avec Stéphanie et son père, M. Kung, qui a fait de Randolph son fils et son héritier.
L’énigme éternelle est du pur Pearl Buck. Elle y a concentré tous ses thèmes, toutes ses obsessions, comme si elle savait que ce roman serait son dernier. J.-C. P.