Déjà auteur d'un hommage aux pionniers du cyclisme (Le tour des géants, Dargaud, 2009), Nicolas Debon déplace son intérêt pour les exploits sportifs vers les débuts de l'alpinisme, dans les années 1880. Il s'inspire des souvenirs du Britannique Albert Frederick Mummery (1855-1895), My climbs in the Alps and Caucasus (1895 ; version réduite rééditée en 1995 chez Hoëbeke sous le titre Le roi du rocher) pour proposer en images, entre réalité et fiction, un authentique récit de montagne.

L'invention du vide témoigne de la compétition qui s'est nouée autour de l'ascension des fameuses aiguilles de Chamonix. Celle-ci place sous une pression permanente Mummery et ses guides valaisans, Alexander Burgener et Benedikt Venetz, qui vont enchaîner successivement en quelques jours, entre fin juillet et début août 1881, l'aiguille Verte par le versant de la Charpoua et l'aiguille du Grépon. Mais Nicolas Debon décrit avant tout une passion sans borne, une fascination obsessionnelle pour les sommets. Dès qu'ils se retrouvent à Chamonix, et plus encore lorsqu'ils atteignent l'hôtel-refuge de Montenvers, point de vue sur la Mer de glace reconstruit et agrandi deux ans plus tôt, Mummery et ses compagnons ne cessent de monter toujours plus haut, faisant fi des complications d'une ascension délicate.

Arêtes rocheuses, pentes verglacées, failles et crevasses... Le dessinateur montre dans le détail les difficultés de l'entreprise de ces aventuriers de la fin du XIXe siècle, qui doivent composer de surcroît avec un équipement qui apparaît, à 130 ans de distance, bien rudimentaire. Surtout, il livre en couleurs directes des séquences graphiques d'une grande beauté, modulant les rayons du soleil sur les roches sombres et les vastes étendues bleutées de neige et de glace. Pratiquant champ et contrechamp, jouant sur les cadrages pour embrasser tout à la fois les personnages et leur mouvement dans un environnement hostile, il restitue à merveille la majesté des lieux.