Comment, vous ne connaissez pas Ma mère l’Oie ? Mother Goose, une compilation de contes américains ? Soit le chef-d’œuvre de Daryl Leyland, grand compilateur de légendes urbaines, considéré comme l’égal de Pound et de Salinger alors qu’il n’a jamais écrit. Ce classique des lettres américaines est le cœur du roman en forme de puzzle que signe Xavier Mauméjean dans la collection « Pabloïd » d’Alma éditeur. Une collection qui invite ses participants à tourner autour d’un des thèmes fondamentaux de l’art.
Repéré par les amateurs de fantastique et de science-fiction avec Grendel (Denoël, 2011) ou Lilliputia (Calmann-Lévy, 2008), Mauméjean livre ici une variation sur la souffrance. Il faut l’accompagner dans un labyrinthe étonnant. On y croisera Jack L. Warner, l’un des grands pontes d’Hollywood, le puissant patron de la Warner Bros. Après avoir eu maille à partir avec le sénateur McCarthy employé à éradiquer les Rouges, Warner a envie d’un film qui enfonce Le magicien d’Oz. L’occasion de faire la nique à Disney qui a bu la tasse avec son Alice aux pays des merveilles.
Pourquoi ne pas adapter Ma mère l’Oie ? Mais avant, mieux vaut s’assurer que son auteur n’est pas un dangereux bolchevique. Qui est d’ailleurs vraiment Daryl Leyland ? L’enquêteur mandaté par Warner, un certain Jack Sawyer, se penche sur son cas. Voici que s’éclairent peu à peu les différentes facettes d’un fils de tailleur né à Chicago en 1893. Leyland a très tôt perdu sa mère et a fréquenté l’orphelinat. Il s’agit là d’un être méfiant vis-à-vis des grandes personnes et obsédé par le temps qu’il fait. D’un créateur qui a fait équipe avec l’illustrateur Max Van Doren, refusant de se plier aux exigences du monde et se battant pour imposer « leur vision au réel »…
Très habilement construit, American Gothic entraîne le lecteur dans un jeu de pistes aussi séduisant qu’intrigant. En s’interrogeant sur le monde unique de l’enfance avec sa force et sa fragilité. Alexandre Fillon