Axel Honneth fait partie de ces philosophes peu connus du grand public qui poursuivent des recherches exigeantes à l’écart des polémiques médiatiques. Exigeant, le successeur de Jürgen Habermas à la direction de l’Institut de recherche sociale de l’université de Francfort l’est dans ses travaux comme avec ses lecteurs. Sa pensée demande du temps pour s’installer.
Les lecteurs français en auront un solide aperçu avec le deuxième volume de Ce que social veut dire - le premier a paru en 2013 - qui s’intéresse aux "pathologies de la raison", c’est-à-dire aux injustices. Ces textes constituent une bonne entrée dans l’univers de cet intellectuel allemand né en 1949 qui représente la troisième génération de l’école de Francfort.
Dans ses conversations avec les œuvres d’Adorno, de Benjamin ou de Freud se dessine le cheminement d’une pensée sur vingt ans. Il conduit tout naturellement à son grand traité sur la liberté qui paraît simultanément.
Dans Le droit de la liberté, Axel Honneth montre que ce droit impose à chacun des devoirs, ceux de participer à la liberté sociale pour une vie plus digne. Tout son travail consiste à élaborer une conception de la justice en s’appuyant sur la critique sociale. Elle nous ramène à son concept de "reconnaissance" puisé chez Hegel qui se retrouve au centre de la discussion : il s’agit de reconnaître les malaises et les injustices dans la vie sociale pour construire une vie éthique démocratique.
Axel Honneth interroge les divers modèles de liberté (sociale, juridique et morale) et leurs limites pour élaborer une théorie de la justice qui s’accompagne d’une critique sociale car chacun voudrait voir sa propre liberté individuelle confirmée dans son environnement social. Conjuguer la "vie bonne" et la "justice" revient donc à repérer les "pathologies" et les "injustices". D’où cette approche de la justice fondée sur des principes de besoin, de mérite et d’égalité. Dans sa volonté de réduire ce qui sépare l’analyse théorique du social de la pratique politique, Axel Honneth reste un peu prisonnier d’un langage très "école de Francfort", mais elle permet d’avancer dans la compréhension du social et des solidarités, au-delà des frontières nationales, dans une mémoire collective qu’il importe de stimuler. L. L.