NUMÉRISATION

Décidement passionné par le sujet depuis son Rapport sur l'économie du livre et son avenir, Hervé Gaymard poursuit son travail de législateur de l'édition et de la librairie, avec le dépôt d'une troisième proposition de loi, relative cette fois à "l'exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle" (1). L'objectif est de modifier le Code de la propriété intellectuelle (CPI) pour permettre la numérisation des livres publiés avant le 31 décembre 2000, mais qui ne sont plus disponibles sous leur forme papier, en général faute de rentabilité économique. Le corpus est évalué à environ 500 000 titres.

Leur remise sur le marché sous forme numérique peut se concevoir en raison de l'abaissement considérable des charges d'exploitation (pas de travail de création éditoriale, pas de stock), mais les contrats afférents à ces ouvrages ne prévoient pas cette forme de diffusion dans la mesure où elle n'existait pas lorsqu'ils ont été signés. Il faudrait les reprendre un par un, ce qui ne soulève pas l'enthousiasme des éditeurs : la relance commerciale de ces livres oubliés est très hypothétique, alors que les frais et le travail juridiques seraient bien réels.

L'opt-out utilisé comme système de régulation

La modification du CPI permettra donc la numérisation de ces ouvrages, sans passer par cette étape préalable : l'accord des ayants droit, éditeurs et auteurs ou leurs héritiers, sera réputé acquis sauf opposition déclarée, dont les modalités sont définies dans la proposition. C'est en partie le système d'opt-out que Google avait tenté d'imposer à son seul profit dans son programme de numérisation de livres du monde entier entrepris aux Etats-Unis. La similitude n'est pas fortuite, car les problèmes de numérisation de masse sont identiques partout. Et la proposition de loi est aussi une réponse au défi lancé par le moteur de recherche américain : le gouvernement français a vigoureusement soutenu les éditeurs et les auteurs dans leur combat contre cette contrefaçon, mais il ne pouvait rester sur une ligne uniquement défensive alors que Google transformait son projet en quasi-mission de service public.

Le financement de la numérisation sera avancé par le programme des investissements d'avenir, via la Caisse des dépôts et consignations, mais les éditeurs sont supposés participer également à cet effort. Le cadre général de ce financement a été défini dans un protocole signé entre les éditeurs, les auteurs et les pouvoirs publics, dont le contenu n'a pas été communiqué, et qui ne relève pas du projet de loi.

Les éditeurs d'origine des ouvrages bénéficieront d'un droit prioritaire d'exploitation de leurs contenus numérisés. Les références de ces titres seront enregistrées dans une base de données spécifique. Les autorisations d'exploitation de ces ouvrages seront délivrées par une société de gestion collective, agréée par le ministère de la Culture, et où les auteurs et éditeurs seront représentés à parité. Une partie des recettes servira à rembourser l'avance des fonds publics investis dans la numérisation.

(1) Disponible sur Livreshebdo.fr, onglet Actualités, rubrique Politique du livre.

10.04 2015

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