21 NOVEMBRE - BEAU LIVRE-HISTOIRE DE L'ART France

Dominique de Font-Reaulx- Photo JEAN-LUC BERTINI/

Dans Histoire naturelle, Pline rapporte que la fille du potier Butadès, dans son désir de fixer la figure du jeune homme qu'elle aime, avait tracé le contour de l'ombre de ce dernier. Le dessin était inventé. Toujours d'après le même, Zeuxis, lors d'un concours, avait peint des grappes de raisin si conformes à la nature que des oiseaux étaient venus picorer les fruits représentés. Ces deux légendes en disent long sur la vision de l'art qui domina en Occident. Avant la rupture des avant-gardes au tournant du siècle dernier, l'art se doit d'être miroir de la vérité, imitation du réel. Ce que Platon et Aristote nomment mimésis. La photographie qui naît officiellement en 1839 - date de l'annonce de l'invention de Daguerre par le physicien et député des Pyrénées-Orientales, François Arago, devant l'Académie des sciences - ne résoudra pas la question de la représentation. Bien au contraire, ce nouveau médium fera s'interroger les artistes et les critiques sur le statut de la peinture. Dominique de Font-Réaulx, historienne d'art et conservatrice en chef du Louvre, consacre une étude passionnante à l'influence de la photographie sur la peinture. Les plaques daguerriennes, ou daguerréotypes, provoquent une véritable "daguerréotypomanie" dans le public et une admiration sans bornes chez les champions du réalisme. Si Paul Delaroche, peintre académique à la patte naturaliste, imbu de grands sujets d'histoire, loue cette nouvelle technique - "Le fini, d'un précieux inimaginable, ne trouble en rien la tranquillité des masses, ne nuit en aucune manière à l'effet général" -, dans les milieux artistiques on s'en méfie. La presse satirique s'en moque même : le daguerréotypiste, c'est le dessinateur qui dort pendant que le travail s'effectue tout seul. Nicéphore Niépce découvre en 1829 un procédé qui permet que ce qu'illuminent les rayons du soleil se fixe sur du papier, et il appelle sa trouvaille "héliographie" (d'helios, "soleil" en grec, et graphein, "écrire"). Outre-Manche, William Fox Talbot avait également imaginé un dispositif semblable pour ses photogenic drawings, "dessins photogéniques". A partir des années 1850, la photographie sur papier de Talbot ou d'Hippolyte Bayard, proche de la méthode de Niépce, détrônera le daguerréotype... C'est l'Exposition universelle de Londres de 1851 qui donne ses lettres de noblesse à la photographie. Des expositions sont dès lors organisées qui montrent les clichés d'un Gustave Le Gray dont le style pictorialiste imite les perspectives de la peinture. Portrait, nature morte, paysage, nu... aucun genre dont le nouvel art ne s'empare. La peinture quant à elle subit à son tour l'influence de la photographie, avec la notion de cadre propre au procédé mécanique et d'arrêt sur mouvement, d'instant volé, qu'on retrouve chez Courbet ou Degas.

Les dernières
actualités