Essai/France 17 octobre Textes traduits, présentés et annotés par Cédric Giraud

La méditation des clercs

François Vincent Latil (1796 - 1890), Bernard en oraison d'après Philippe de Champaigne, (Saint-Etienne-du-Mont de Paris). - Photo CC0 1.0

La méditation des clercs

Anselme de Cantorbéry, Bernard de Clairvaux, Thomas a Kempis... Une « Pléiade » qui réunit les textes majeurs de la spiritualité chrétienne du Moyen-Âge.

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Par Sean James Rose
Créé le 03.10.2019 à 22h00

Il n'est pas rare que le rayon « Spiritualité » des librairies soit principalement dédié à des spiritualités appartenant aux traditions extra-chrétiennes (bouddhisme tibétain, zen, yoga) voire à des ouvrages de développement personnel. Pourtant l'idée de l'individu animé par un souffle, et désirant connaître et s'unir à la source de toutes vies qu'il nomme « Dieu » se trouve également dans la religion qui fut jadis hégémonique en Occident. Le christianisme, s'il a élaboré au cours de son histoire des doctrines des plus subtiles sur la nature du Christ ou la grâce (sommes-nous libres de choisir de nous sauver ?), a produit en parallèle des textes à l'usage des fidèles, moins théoriques que pratiques, dont le but est d'enseigner la voie pour accéder au divin. Et ce, dès le Moyen-Âge, où foisonnent prières, méditations et confessions.

Sont ici réunis en « Pléiade » des auteurs (de la fin du XIe au XVe siècle) diversement célèbres, voire carrément oubliés : Anselme de Cantorbéry, Bernard de Clairvaux, Thomas a Kempis, le Pseudo-Augustin ou Jean Mombaer. C'est que ce qui nous a été transmis à partir du début de l'imprimerie le fut au prisme du goût « commercial » des libraires des Temps modernes. Pour le médiéviste Cédric Giraud, qui a choisi et traduit ces Écrits spirituels du Moyen-Âge, il s'agit de « retrouver les habitudes médiévales en reconstituant, par-delà certains effets de mode du passé, ce que fut un goût littéraire. » Thomas d'Aquin en bon philosophe scolastique garde un ton docte, d'autres usent d'images claires, qui frappent le pécheur : « Arbre digne de la hache et du feu, digne d'être coupé et brûlé, quels sont tes fruits ? » (Anselme) ; emploient la forme du dialogue (Hugues de Saint-Victor), ou du commentaire de la vie de Jésus (Bonaventure). Si on loue le Créateur avec les mots de l'amour courtois, on ne concède pas moins que la transcendance soit inconnaissable, c'est la théologie négative d'Henri Suso ou de Jean Gerson. Pour Thomas a Kempis, notre paix ne dépend pas de nos congénères : « Tu dois être mort à tous ces sentiments humains [...] Plus l'homme s'éloigne de toutes les consolations de la terre, plus il s'approche de Dieu. »

La lecture est spirituelle, et l'introspection devient prière. Car « à quoi sert d'avoir écrit, lu et compris tout cela, si tu ne fais pas de toi-même l'objet de ta lecture et de ta compréhension , » s'interroge le Pseudo-Bernard de Clairvaux. « Sois donc attentif à cette lecture intérieure afin de te lire, de t'examiner et de te connaître toi-même. »

Anselme de Cantorbéry, pseudo-Augustin, Bernard de Clairvaux et al.
Ecrits spirituels du Moyen Age
Gallimard, « Pléiade »
Tirage: 10 000 ex.
Prix: 63 €, prix de lancement jusqu’au 31.3.2020 : 58€ ; 1 264 p.
ISBN: 9782070114429

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