Avant-critique Récit

Jean-Noël Pancrazi, "Quand s'arrêtent les larmes" (Gallimard)

Jean-Noël Pancrazi - Photo © Francesca Mantovani/Gallimard

Jean-Noël Pancrazi, "Quand s'arrêtent les larmes" (Gallimard)

Jean-Noël Pancrazi accompagne sa sœur atteinte d'un cancer le long des chemins erratiques de la maladie. Un sublime et tendre compagnonnage.

Parution 13 mars

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Par Olivier Mony
Créé le 18.03.2025 à 09h00

Une promenade avec Isabelle. Elle est celle qui reste, celle qui a toujours été là. Petite fille, petite sœur, petit bout de femme libre, énergique et volontaire, dévouée à toutes les causes et d'abord les plus justes, celles des étrangers, des femmes, des réprouvés. Isabelle est la cadette de Jean-Noël Pancrazi. L'auteur de Madame Arnoul et de La montagne (Gallimard, 1995 et 2012), à la tête d'une œuvre qui est comme une cathédrale sensible de la mémoire, n'oublie rien ni personne, aucun souvenir, aucun chagrin, mais sait, s'il venait à se perdre dans les brumes d'antan, pouvoir compter sur celle qui en est aussi la vigilante gardienne, sa sœur donc, sa complice. Aussi, lorsqu'il apprend que celle-ci doit lutter contre le cancer, il n'hésite pas à la rejoindre dans cette ville de Perpignan qui fut celle où s'installa autrefois leur famille de retour d'Algérie et où Isabelle a élu domicile après sa carrière à la mairie de Versailles, pour une retraite qui n'en est pas vraiment une tant cette femme cultive à loisir l'amitié, le goût des autres et une passion dévorante pour le cinéma d'auteur. Plus naturellement versé dans la mélancolie, son frère aîné s'est toujours réchauffé à cette flamme vive. Il a écrit le récit de ces quelques semaines d'un possible ultime compagnonnage et le publie durant les derniers jours de l'hiver. Quand s'arrêtent les larmes, splendide et désolé à la fois, révèle la meilleure part de Jean-Noël Pancrazi. Celle de ses confessions à demi-mot, à la fois timides et impudiques, celle de la mère perdue à jamais, de l'Algérie qui l'est tout autant, des déchirements de la guerre et de l'exil, des enfances qui dorment dans nos vies. Le frère et la sœur ici, c'est beaucoup plus que l'ordinaire (qui ne peut se résoudre à l'être) des véhicules sanitaires légers, de la chimio et la radiothérapie, d'une femme portant perruque et d'autres égarements de la maladie. C'est une histoire, la leur, celle de ces deux égarés réunis en une même tendresse, une même modeste liberté. Ce sont les amies et les combats de l'une, et ceux de l'autre. C'est l'affirmation de choix de vie qui ne furent forts que parce qu'ils furent partagés. Ce sont des visages peut-être d'eux seuls connus, des films, des fêtes en larmes, des paysages. Voici le Maroc et voici Alger, revoilà Perpignan. Elle n'est pas retrouvée, l'éternité. Elle n'a jamais été perdue.

Jean-Noël Pancrazi
Quand s'arrêtent les larmes
Gallimard
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 17 € ; 128 p.
ISBN: 9782073105158

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