C'est assurément l'ovni de la rentrée littéraire de janvier. Chez P.O.L, voilà que s'annonce La traversée de la France à la nage, un gros volume de plus de sept cents pages reçu par la poste. L'éditeur explique juste que l'auteur de ce premier roman hors normes habite le Quercy et qu'il gagne sa vie en filmant pour Canal + des matchs de rugby.
Quand on le découvre, le narrateur se trouve dans l'eau. Il nage sans réfléchir et sans se fatiguer, alors que "Martine, les amis et leurs enfants" sont restés près de la berge. "J'avais lancé en riant que je rentrais à Paris à la nage, avant de plonger, résolu à me diriger vers l'amont, vers la bouche où la Meuse disparaissait dans un long rivage", dit-il, semblant persuadé de n'avoir besoin ni de carte ni d'itinéraire. Juste de suivre le cours de l'eau.
Le lecteur l'accompagne d'abord dans la Garonne ou lors d'une étape à Loures-Barousse. Notre homme n'est pas tout le temps immergé, il lui arrive de se sustenter d'une sicilienne chez Pizza's Up, de dormir au coin d'un feu ou dans le lit d'un hôtel. Nous voici ensuite dans le Lot qui "semble nourrir un projet plus ambitieux" que la Garonne. A Villeneuve, Fumel ou Cajarc. Le nageur croise en chemin des canards, des anguilles, des gendarmes ou une Fabienne qui habite une maison au bord de la rivière...
Pierre Patrolin nous fait suivre un personnage énigmatique qui voyage en solitaire avec son baluchon. Il entretient une ambiguïté permanente, joue sur les ruptures de ton, les couleurs et les images, la répétition des mouvements. Son livre n'évoque rien de connu. Pas même The swimmer, le film de Frank Perry adapté d'une nouvelle de John Cheever, où Burt Lancaster se déplace de piscine en piscine.
Les amateurs de narration classique doivent passer leur chemin. Les curieux, ceux qui aiment les détours sinueux et les ambiances atmosphériques, seraient quant à eux avisés de plonger au plus vite dans cette mémorable Traversée de la France à la nage.