16 octobre > Essai France

Sur des cahiers d’écolier, Taos Amrouche (1913-1976), la cantatrice berbérophone, interprète ardente des chants traditionnels de Kabylie, souvent présentée comme la "première romancière algérienne de langue française", a tenu, dans les années 1950, un journal fiévreux. Yamina Mokaddem, spécialiste de la littérature du Maghreb et de l’Afrique, s’est chargée chez Joëlle Losfeld, qui a publié l’œuvre romanesque de Taos Amrouche, de l’édition et de la présentation de quatre de ces cinq cahiers dans lesquels la romancière va très loin dans l’introspection intime. Quand elle entame leur rédaction, la chanteuse, auteure d’un premier roman, Jacinthe noire, en 1947, a 40 ans. Elle est mariée au peintre André Bourdil, père de sa fille unique, Laurence, et entretient une liaison clandestine avec Jean Giono.

Au début du livre, en août 1953, elle vient d’achever d’écrire L’amant imaginaire, inspiré de cette passion à sens unique dont le premier des carnets - exclu de la présente publication - a servi de matrice. Un livre qui ne sera finalement publié qu’en 1975.

Taos Amrouche a une âme en montagnes russes. Amoureuse avide, elle est aussi extrême dans la joie que dans le désespoir, dans la fierté que dans la honte. Mendiante qu’elle est d’une attention sentimentale qui se refuse, d’une reconnaissance littéraire qui se fait attendre, elle ne supporte ni la frustration, ni le tiède, quand l’amant, écrivain accompli, homme de vingt ans son aîné, l’exhorte à la patience. "Toi, ton malheur vient de ce que tu brûles tout trop vite", lui dit-il.

Bien sûr, l’obsession douloureuse de Taos Amrouche peut irriter mais sa lucidité, la fougue de sa langue compensent la complaisance, modulant le lamento d’une diva tragique qui écrit et chante comme elle aime. Absolument. Véronique Rossignol

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