"En raison des ralentissements pour le fret à Calais, nos camions étaient bloqués en fin de semaine, raconte Nicolas Roche, le directeur général du Bief. Le stand est finalement arrivé 48 heures plus tard et les 2 500 livres n'ont eu que 24 heures de retard. Heureusement, nous avons toujours une marge de sécurité et nous avons réussi à tout monter à temps grâce à l'efficacité de nos équipes, du standiste et de l'Institut français". Côté éditeurs, à l'exception des plus malins qui avaient opté pour l'avion, beaucoup, comme Livres Hebdo, ont piétiné plus de trois heures gare du Nord, afin de monter dans un Eurostar lundi 11 mars.
Mardi, les retards n'atteignaient plus que 50 minutes et en fin de matinée, la plupart des professionnels avaient réussi à passer sous la Manche. Seuls quelques directeurs de maison, qui avaient prévu de venir pour 24 heures comme Guillaume Allary par exemple, ont annulé leur déplacement.
L'ombre du Brexit
Trois votes vont émailler la semaine au Royaume Uni, dont celui des parlementaires britanniques qui doivent voter pour la deuxième fois, mardi 12 mars, sur le traité de retrait [actualisation: le vote a été rejeté à une large majorité dans la soirée]. Mercredi 13 mars, il y aura un vote sur une sortie de l’Union européenne sans accord (Hard Brexit) et jeudi un autre vote sur un report de la sortie de l’UE. Le Brexit est aussi au cœur des préoccupations à la foire de Londres. Stephen Page, P-DG de Faber & Faber appelait ses confrères, lors de son discours à la conférence Quantum lundi 11 mars, à "faire preuve de courage" face au Brexit et prédit "désordre et chaos" dans le marché des droits et sur les questions territoriales.
En cause notamment, l'obtention pour les éditeurs britanniques des droits de langue anglaise pour le territoire européen. Comme l'avait mentionné Carolyn Reidy, P-DG de Simon & Schuster US, en 2017 lors de la foire de Francfort, "l'argument d'un accès libre de droits au marché européen que les éditeurs britanniques brandissent pour s'emparer des droits exclusifs sur l'Europe ne sera plus valable".
Règle de l'OMC
" Dans le cas d’un scénario de “no deal”, nous avons de notre coté les règles de l’OMC qui ne prévoient pas de droits de douane sur les livres, explique Laurence Harvie, directrice du marketing et de la communication de Thames & Hudson. Par contre il y aura très certainement des retards à la frontière pour les importations comme les exportations. Nous prévoyons de planifier très en avance tout en jouant sur nos bonnes relations avec nos agents d’import-export." Pour une entreprise internationale comme cet éditeur d'art, "des restrictions sur la libre circulation des personnes nous feraient du mal car Thames & Hudson, qui est une compagnie internationale créant des livres pour un marché international, emploie de nombreux Européens à tous les niveaux."
De plus, cette décision de quitter l'Union européenne attriste forcément les professionnels présents à cette foire tournée vers les échanges entre les pays. "ça nous mine le moral, nous avons pris un coup il y a deux ans quand le Brexit a été voté, raconte Camille Morard en charge des droits étrangers chez Faber & Faber. La portée symbolique est forte, cela nous tire vers le bas."
Pour le moment, les éditeurs britanniques peinent à se projeter après le 29 mars. Cependant "toute incertitude économique et politique est néfaste, surtout pour de toutes petites maisons comme la nôtre, note Cécile Menon, à la tête des Fugitives, maison littéraire qui publie au Royaume-Uni les romans de Nathalie Léger, Ananda Devi ou prochainement Camille Laurens. Le Brexit va creuser les difficultés économiques du pays et comme toujours les premiers secteurs touchés seront la culture et le social."