Au début, toute la famille était riche. Et puis pauvre. Et puis riche, à nouveau. Et pauvre, encore. Ça va ça vient au rythme des guerres et des faillites, des marchés et des entourloupes, des nuits d'amour et de celles passées au casino, le temps d'un soupir, l'espace de vingt ans...
Ces années-là, ce sont Nos si brèves années de gloire qui forment la trame de ce troisième roman du Libanais Charif Majdalani (après les très remarqués Histoire de la grande maison, Seuil, 2005, et Caravansérail, Seuil, 2007). Au début donc, le narrateur, fils d'une des plus anciennes familles de Beyrouth, est pauvre. Après l'assassinat, dans des circonstances restées mystérieuses, de son père à l'été 1948, sa famille doit vendre son affaire de filatures textiles, n'en conservant qu'un petit atelier. Simple commis chez un marchand de tissus, puis secrétaire d'un homme d'affaires lettré, le fils Cassab entame une existence aventureuse comme il sied aux jeunes gens de son âge, ponctuée de projets plus ou moins grandioses ou fantaisistes et de rencontres amoureuses, parmi lesquelles celle de Mathilde dite "Monde", qu'il perd pour un homme plus âgé et plus riche que lui. Elle deviendra sa maîtresse après qu'une équipée en terre syrienne pour y subtiliser les machines d'une usine textile lui aura amené la fortune. Mais déjà, se fait entendre dans le lointain les échos d'une guerre à venir, celle civile de 1975...
Il y a dans Nos si brèves années de gloire quelque chose de l'allégresse poignante de la comédie italienne des années 1970. Ce serait un Nous nous sommes tant aimés à Beyrouth. Charif Majdalani orchestre cette valse des adieux de main de maître, montreur d'ombres d'un petit monde inconsolable et gai, qui vient faire son tour de piste en ignorant que ce sera le dernier. La représentation n'en sera que plus belle.