23 octobre > Nouvelles France

Pour transporter le lecteur ailleurs, le fantastique selon Georges-Olivier Châteaureynaud n’a pas besoin d’artifices façon XIXe siècle. Point de manoirs hantés ni de morts-vivants, de vampires ni de chauves-souris. Chez lui, le quotidien est bien plus inquiétant. Parce que les histoires qu’il invente et raconte pourraient arriver à chacun d’entre nous. Ou pas. Et qu’elles se terminent mal, en général.

Georges-Olivier Châteaureynaud- Photo LÉA CRESPI/GRASSET

Les héros des huit nouvelles nouvelles qui composent le recueil Jeune vieillard assis sur une pierre en bois sont des gens bien ordinaires. Parfois des brocanteurs, comme Golo, l’apprenti, avec son sous-verre alsacien à 40 euros, et la belle Stella, pris au piège par deux vieux qui leur font signer une espèce de pacte faustien, mais pour quoi faire ? Souvent des professeurs, comme Gerö, barbon quinquagénaire amoureux de la jeune Chryséis, étudiante à la Sorbonne, sur le point d’installer leur nid d’amour douillet et moderne, quand tout son passé, ses années avec sa première femme, resurgit sur un trottoir. Ou encore son jeune collègue, qui vit dans un modeste meublé, peuplé toutes les nuits de sinistres bestioles. Le montreur d’animaux, qui occupe la chambre voisine avec sa fille bizarre, y serait-il pour quelque chose ?

Le ressort romanesque préféré de Châteaureynaud, c’est le basculement du réel vers autre chose. Ainsi d’un narrateur qui, par trois fois dans sa vie, a effectué des lévitations brèves et inexpliquées. A l’âge de 9 ans, à Rodez durant la guerre, au cours d’une nuit câline avec Lorella, son premier amour, puis, bien plus tard, sur la dune du Pyla. Du bel Aloïs, étudiant à l’université de Göttingen en 1890 et amoureux de l’accorte boulangère Rosetta, à cause de laquelle il refusera de se laisser défigurer en duel. Ou encore de M. Benjoin, fabricant et peintre de figurines en plomb, en faillite parce qu’il n’aime que les civils et non les militaires, et qui verra ses créatures prendre vie sous ses yeux et l’entraîner avec elles. Il y a aussi ce conférencier minable venu parler de Mycènes à un public passionné dans une ville de province fantomatique à la Chirico, qui se retrouve pourchassé dans les rues par deux lionnes en furie.

Erudition, clins d’œil, humour décalé, ironie légère, tout est bon à Georges-Olivier Châteaureynaud pour réussir son pari : se perdre, et nous avec lui, dans les dédales de son inépuisable imagination. Pourvu que, à rebours du « Jeune vieillard » qui donne son titre au recueil, l’écrivain ne soit jamais frappé d’amnésie.

J.-C. P.

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