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Habituées à l’effervescence que soulèvent parfois les affaires de diffamation traitées à la 17e chambre du tribunal de grande instance de Paris, les greffières de cette juridiction ont toutefois vécu une situation particulière, mardi matin : elles ont dû recueillir dans leur bureau, à l’abri d’un couloir proche de la salle d’audience, un Dominique Strauss-Kahn totalement assailli par une meute de photographes, caméramans et journalistes de radios et de télévisions, illustrant parfaitement ce que les trois avocats de l’ancien directeur du FMI ont fustigé : « DSK » fait de l’audience, et fait vendre. Pour bien signifier toute l’importance qu’il attachait à cette affaire, Dominique Strauss-Kahn avait en effet tenu à s’exprimer au procès en référé qu’il a intenté à Stock et à Marcela Iacub, respectivement éditeur et auteure de Belle et Bête, un livre relatant la liaison que l’écrivaine avait entretenue avec lui, au début de 2012. Il attaquait aussi LeNouvel Observateur, qui en avait publié de larges extraits ainsi qu’une interview de Marcela Iacub, le 22 février dernier, point de départ de l’affaire.

La nouvelle épreuve d’exposition médiatique méritait d’être endurée, car la décision rendue lui donne « entière satisfaction », selon Me Richard Malka, l’un de ses avocats. Laissant de côté la diffamation, les défenseurs avaient plaidé contre une atteinte massive à la vie privée de leur client, et avaient demandé en premier lieu l’insertion d’un communiqué dans l’ouvrage, pourtant déjà expédié à l’office du 27 février. Balayant les arguments de la défense, Anne-Marie Sauteraud, juge des référés, a estimé que « les limites de la liberté d’expression ont en l’espèce été largement dépassées et le droit à la liberté de création ne peut prévaloir sur les atteintes à la vie privée, qui sont donc caractérisées » (1). Me Christophe Bigot, avocat de Stock, avait tenté de vider de leur portée les scènes sexuelles du livre, les plus manifestement en cause dans l’affaire, en expliquant qu’elles ne relevaient pas de cette atteinte à la vie privée dans la mesure où l’auteure les disait « fausses sur un plan factuel » dans son interview au Nouvel Observateur. La juge est allée chercher la suite du propos de l’auteure, qui les disait « vraies sur un plan psychique, émotif, intellectuel », pour bien retenir la qualification ouvrant la condamnation. Et elle n’a pas retenu un quelconque intérêt général, en dépit de l’ancienne vie publique de DSK, « un vrai sujet qui n’est pas refermé », selon l’avocat de Stock, mais aussi un bien public qui était gravement menacé en la circonstance, selon ceux de l’homme politique, décrit comme « mi-homme, mi-cochon » dans le livre. « C’était assez habile comme stratégie : en plus de passer pour un grand pornographe, Dominique Strauss-Kahn ne pouvait devenir un censeur de la liberté d’expression, même si elle lui porte sérieusement atteinte », apprécie Me Emmanuel Pierrat, avocat spécialiste des questions de propriété intellectuelle, et de diffamation. Versé au dossier et lu à l’audience, le mail adressé par l’auteure à DSK a aussi donné l’impression d’une véritable machination à l’origine du livre.

Stock a indiqué qu’il ne ferait pas appel de l’ordonnance, qui condamne l’éditeur et son auteure à verser 50 000 euros de dommages-intérêts à l’ancien directeur du FMI, auquel il faut ajouter 3 000 euros, au titre de l’article 700, et les dépens. Ce qui ne signifie pas que le dossier en restera là. Il pourra aussi être poursuivi au fond, notamment en fonction du volume des ventes de l’ouvrage, qui seront un critère du préjudice subi, souligne Me Richard Malka. La suite dépendra aussi du calendrier des autres affaires auxquelles doit faire face l’ancien directeur du FMI. Hervé Hugueny

(1) Texte du jugement et autres informations sur Livreshebdo.fr.

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