10 JANVIER - ROMAN France

Une petite fille perdue dans la nuit de la rue. Où se trouve l'hôtel dans lequel elle et sa mère ont pris refuge ? Marseille, septembre 1940. Jeanne cherche sa mère Blanche, emportée par une rafle. C'est dans une atmosphère de théâtre expressionniste où dansent des ombres menaçantes que nous plonge Béatrice Wilmos avec son troisième roman. Le cahier des mots perdus entraîne la fillette, et avec elle le lecteur, vers les étés de l'enfance à la villa des grands-parents dans l'arrière-pays varois. Dans la chambre qu'elle a enfin regagnée, Jeanne se remémore les visages des gens aimés, sa mère bien sûr, son grand-père Paul... Les souvenirs s'emboîtent à la manière de poupées gigognes - telles des matriochkas se contenant les unes les autres -, les images engendrent d'autres images. A la mémoire vécue se mêlent les photos d'un passé reconstitué : parmi les invités de la famille il y avait cet ami allemand, le Feriengast, "l'hôte des vacances" comme l'appelait sa grand-mère Mathilde, reprenant le titre d'un tableau d'Emil Nolde. Sur le cliché, Blanche avait le même âge que Jeanne aujourd'hui, Thomas était un jeune poète berlinois. Lorsque Jeanne verra pour la première cet ami de la famille, c'est à la veille de la guerre, elle ne l'aura connu qu'avec les traits tirés et une cicatrice à la paupière. Thomas fuit le régime nazi qui vient de mettre le feu au Reichstag et persécute les intellectuels dissidents et les artistes "dégénérés". Jeanne, dont le père américain est parti et a refait sa vie, est fascinée par l'Allemand triste. On emploie Thomas à la vigne, mais bientôt en France aussi la démocratie sera défaite. Les étrangers, les Juifs seront envoyés dans les camps.

Béatrice Wilmos, à travers les yeux de la fillette, reconstitue le puzzle du désir, dont les pièces seront toujours manquantes car l'image toujours fluctuante. Jeanne découvre le journal intime de sa mère disparue et tout l'amour que cette dernière portait à Thomasdepuis leur première rencontre. Et l'énigme de la présence dans l'absence et de l'absence dans la présence qui brûle comme un point d'interrogation.

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