Depuis toujours, Germain, le narrateur trentenaire, est un garçon en colère. On ne sait trop pourquoi, d’ailleurs, pas plus que lui-même. Il a vécu une enfance sans histoire, à Poulain-la-Meuge, dans une famille petite-bourgeoise unie et aimante. Mais l’affection démonstrative, l’absolue gentillesse que lui témoigne son père ont fini par l’énerver. Fan de musique, avec des goûts assez éclectiques qui vont de l’underground à la pop commerciale et potache de I’m From Barcelona, il est monté à Paris, où il travaille dans un magasin de high-tech. Il s’est fait quelques amis : son directeur, Renaud, et sa compagne Marion, qui essaient de le caser à leur copine Violaine, une avocate bourrée de Toc. En vain : de guerre lasse, elle leur apprendra qu’elle est lesbienne !
Renaud a accepté de placer Germain à la caisse. Car il souffre d’un handicap : il bégaie sévèrement. Et même les séances hebdomadaires chez Clotilde, son orthophoniste, pas très douée mais au charme de qui le jeune homme ne reste pas insensible, ne parviennent pas à améliorer son cas. Voilà pourquoi, sans doute, Germain nourrit une solide misanthropie, une rancune contre la terre entière, et porte en lui une violence qui a besoin d’un exutoire. Alors, chaque fois qu’il prend le métro, il éprouve un plaisir sadique et malsain à marcher sur des pieds qui ne lui ont rien fait, à bousculer des malotrus aussi bien que des innocents. Ça lui fait du bien.
Et puis, un jour, il côtoie une fille, une "Black au bandeau rose" qui pratique le même "art" que lui, mais en plus agressif, en plus "professionnel". La retrouver tourne à l’obsession, et il y parvient. La jeune fille, Claire, lui apprend qu’elle appartient à une petite bande de "pousseurs", avec Marc et Vianney, qui organisent régulièrement des "opérations" dans le métro. Enchanté, Germain est admis, et va vivre durant quelque temps une double vie heureuse. Il a cessé de bégayer, fini par déclarer sa flamme à Clotilde, réciproque : elle est venue s’installer chez lui. Claire et Violaine se sont trouvées, plu et pacsées. Clotilde, naturellement, ignore tout des activités métropolitaines de son compagnon. Alors, mariage et happy end ? Pas du tout. Car, un jour, Vianney dérape : une "opération" tourne au drame. Le destin de Germain, complice malgré lui, va alors basculer…
Avec ce premier roman truffé de clins d’œil et de rock’n’roll, Vincent Maston a réussi un joli coup : partant d’une gentille comédie sociale parisienne, il la fait évoluer en fable contemporaine et urbaine plutôt grinçante, pas très loin de l’univers de Cédric Klapisch. L’affaire est bien menée, y compris les rebondissements de la fin, dont nous laisserons au lecteur le plaisir de la découverte. J.-C. P.