On avait été mis KO par la lecture de Play Boy (Stock, 2018), sonné par une écriture percutante qui mettait en pièces le prêt-à-penser du couple et de la sexualité, l'amour en kit, le ménage, la famille, sa famille. C'est que son auteure, Constance Debré, est une Debré, de la famille Debré - arrière-grand-père médecin éponyme d'un hôpital parisien, aïeul ministre de De Gaulle et père de la constitution de la Ve République, oncle ancien président du Conseil constitutionnel, etc. Mais Constance est aussi, surtout, la fille du vilain petit canard du clan, François, journaliste et camé. Côté maternel, c'est plus aristo et déjanté, sa mère, mannequin, également droguée, est morte d'une rupture d'anévrisme. Dans ce premier roman, elle racontait comment, promise à un bel avenir au barreau, mariée à un homme comme il faut, mère d'un petit garçon, elle avait un jour tout largué, jeté aux orties robe d'avocat, carrière, statut, foyer. Largué les amarres et viré sa cuti. Constance Debré aime les filles et assume d'être femme à femmes.
Le scandale, c'est l'homosexualité, bien sûr : les goudous, pas de ça chez nous ! Mais le véritable scandale, c'est la liberté. Constance enquille les aventures. On est à l'heure du mariage pour tous - pas pour elle. Si on se sent différent, marginal, hors norme, ce n'est pas pour faire tout pareil. Constance est punk, une anar, une vraie, pas bobo déguisée en Bakounine, Constance c'est fuck l'appareil ! Avec Love me tender, Constance Debré poursuit son entreprise de roman autobiographique. Elle y narre sa nouvelle vie. Délestée du travail, de l'argent, des conventions, elle vit dans neuf mètres carrés avec une paire de t-shirts, un jean, son cuir, ses clopes, elle vole chez Bio c' bon, gruge le métro. A bientôt 50 ans, c'est une « ado », son emploi du temps alterne la piscine et les filles, le sexe, la seule vérité, c'est le reste qui est « porno » - « l'obscène de la famille », de l'ordre moral, d'une société qui condamne quiconque sort du rang. Elle écrit et elle attend. Attends de voir Paul, son fils.
Le mari et père de l'enfant ne l'entend pas de cette oreille, il l'a accusée d'inceste, un avis d'expert psychiatre est en cours, elle ne peut voir Paul que dans un espace médiatisé. Au XXIe siècle la justice défend le patriarcat lésé. Love me tender, au-delà d'un style véloce, de ses formules comme des uppercuts, est une chanson d'amour, un hymne à la liberté, liberté d'aimer autrement, même en tant que parent, c'est aussi « love me true », un chant de vérité. Et Constance Debré, on l'aime. Vraiment.
Love me tender
Flammarion
Tirage: 9 000 ex.
Prix: 18 euros ; 224 p.
ISBN: 9782081471733