De tous les objets inventés et fabriqués par l'homme depuis la plus haute antiquité, le livre est certainement le plus innombrable, le plus fragile en apparence, mais aussi celui qui a résisté à tout. Aux éléments, comme cette inondation de Florence, en avril 1966, avec ses torrents de boue qui souillèrent les ouvrages des bibliothèques, nettoyés et restaurés depuis. Ou à la folie des hommes, dont les exactions abondent : depuis l'incendie de la Bibliothèque d'Alexandrie, par des soldats de César, dit-on, une perte irréparable pour le patrimoine universel puisque y disparurent une grande partie des œuvres des maîtres de l'Antiquité grecque, jusqu'aux autodafés massifs par les nazis, un échec : car, contrairement à un tableau, unique par définition, si l'on peut aujourd'hui détruire un objet livre, le texte, lui, est heureusement sauvegardé. Il y a eu tous ces livres mis à l'index, pour des raisons politiques et-ou religieuses, ou encore ceux que l'on croyait perdus à jamais, et qui réapparaissent, même partiellement, par miracle : ainsi, en 2018, des archéologues ont retrouvé, à Olympie, une tablette d'argile portant treize vers de l'Odyssée. C'est peu, c'est immense. Homère aurait-il existé ?
Ce sont cinquante de ces destins qu'a voulu célébrer l'exposition « L'odyssée des livres sauvés », qui s'ouvre prochainement à Lyon, au musée de l'Imprimerie et de la Communication graphique (du 12 avril au 22 septembre 2019), accompagnée, en guise de catalogue, par le magnifique ouvrage « porté avec l'Imprimerie nationale », explique Joseph Belletante, directeur du musée et maître d'œuvre du projet, qui raconte et montre toutes ces histoires, réparties en quatre sections : Foudre, Index, Exil et Talismans. On y trouve, par exemple, aussi bien Les fleurs du mal de Baudelaire illustré par Matisse, chef-d'œuvre qui a failli ne jamais paraître, que le Britannicus de Racine caviardé en 1767, ou encore un chapitre sur l'admirable père Najeeb, le dominicain qui a sauvé la bibliothèque du couvent de Qaraqosh, près de Mossoul, de la furie de Daech. D'autres ont eu moins de chance, comme l'humaniste Etienne Dolet, libraire-imprimeur brûlé sur la place Maubert, à Paris, le 3 août 1546, pour « hérésie », avec presque tous ses livres. Un martyr.
En préambule, Kamel Daoud évoque les deux premiers livres de sa jeunesse, le Coran et un recueil de femmes nues, et Raphaël Jerusalmy, lui-même libraire d'ouvrages anciens à Jérusalem, fait parler les livres en personne.
Bibliodyssées : 50 histoires de livres sauvés. - Exposition, Lyon, musée de l’Imprimerie, du 12 avril 2019 au 22 septembre 2019
Imprimerie nationale
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 29 euros ; 224 p.
ISBN: 9782330119850