Il fallait forcément, pour écrire un tel roman, être anglais et farfelu, avoir été spécialiste des sangsues d’eau douce, avoir lu Shakespeare à toute vitesse et l’on en passe. John Ironmonger a parfaitement rempli sa mission : son roman et ses personnages sont assez délirants et vivent des aventures totalement improbables. C’est le cas d’Azalea Ives - c’est du moins le nom sous lequel on la connaît d’abord. Née en 1978 sur l’île de Man, elle est la fille de Marion, une serveuse que l’on retrouvera morte en 1986 au bas d’une falaise après avoir été kidnappée et violée par un psychopathe -, et d’un père inconnu, ou plutôt multiple ! Est-elle la fille de Gideon le pêcheur, de John Hall, ou de Peter Loak, le poète ? En tout cas, elle a été adoptée et élevée par les Folley, couple de missionnaires en Ouganda de 1984 à 1992, date où on suppose qu’ils ont été massacrés tous les deux par des rebelles fanatiques de la LRA (Lord's Resistance Army). C’est là qu’Azalea a passé une partie de son enfance, et a vécu le drame.
Tout cela, on l’apprend à grand renfort de flash-back, en même temps que le professeur Thomas Post, "maître ès coïncidences" à la London University. Se confiant à sa vieille amie Clémentine, psychanalyste, il relate sa rencontre, totalement fortuite, of course, avec Azalea, en 2011, dans un escalator du métro londonien, leur histoire d’amour, belle et douloureuse, sur les traces du passé de la jeune femme. La façon, aussi, dont elle a disparu, repartie pour l’Ouganda. En juin 2012, troquant enfin le plaisir de s’abandonner aux coïncidences pour celui de prendre son destin en main, Thomas part à son tour pour l’Ouganda. Y retrouvera-t-il enfin Azalea ?
Le génie des coïncidences est une brillante fantaisie à tiroirs, assez vertigineuse, où l’on se perd parfois, mais qui est portée par un humour et une rare inventivité. Une fable, également, dont la morale, malrucienne, pourrait être : "L’homme est ce qu’il fait." J.-C. P.