8 janvier > Premier roman Suisse

Ce premier roman enlevé met en scène un sculpteur aux prises avec son quotidien. Il a décroché le gros lot ! Le prix de sculpture tant convoité qui le hissera dans les manuels d’histoire de l’art à la hauteur des Praxitèle, des Michel-Ange, des Rodin ! Le narrateur du premier roman d’Antoinette Rychner, Le prix, est tellement heureux qu’il en perd les sens, ou du moins l’ouïe. Il est allé réveiller sa compagne pour lui annoncer la bonne nouvelle, mais à voir sa réaction il se rend compte que non seulement il n’entend plus, mais il ne voit pas très bien non plus : ses yeux avaient mal lu la "Lettre" de rejet du jury. C’est que la surdité avait depuis longtemps frappé cet homme, très peu à l’écoute de son entourage et obnubilé par les "Ropf", ses sculptures mi-artistiques mi-organiques qu’il modèle à partir de son nombril, en l’auscultant et le triturant à l’envi. La meurtrissure que provoque cette entreprise n’empêche pas le plasticien de poursuivre son grand œuvre.

C’est par un procédé fantastique à la manière de La peau de chagrin de Balzac ou de La métamorphose kafkaïenne que l’auteure, née en Suisse en 1979, nous plonge dans le tiraillement constant de l’artiste entre l’élan créateur et l’égotisme ravageur, le doute qui l’assaille et la constante demande d’attentions que lui réclament femme et enfant. S’il y a de l’allégorie là-dedans - Antoinette Rychner met des capitales aux noms communs ou affuble de noms symboliques ses personnages : Mouflet, le fils du sculpteur -, la mise en scène de l’enfer du quotidien de l’artiste est bien réaliste. Mais le pathos est évité par ce brin d’absurdité surréaliste et une langue d’une poésie tragi-burlesque. S. J. R.

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