Laurent Beccaria : "Un livre qui cristallise l’époque"

"Nous fixons la jauge à 200 000 exemplaires. C’est un pari risqué. Personne n’imagine alors le raz de marée des lecteurs qui va submerger les librairies françaises en deux jours." - Photo Olivier Dion

Laurent Beccaria : "Un livre qui cristallise l’époque"

Dans une lettre adressée en exclusivité à Livres Hebdo, le patron des Arènes revient sur le lancement de Merci pour ce moment. Extraits.

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Par Christine Ferrand
avec Créé le 19.09.2014 à 02h32 ,
Mis à jour le 23.04.2015 à 10h06

La décision

"Notre rendez-vous est une belle surprise. Il se dégage de elle quelque chose de libre, de franc et de droit qui me plaît. J’imagine reproduire avec elle l’aventure partagée avec Eva Joly lorsqu’elle instruisait l’affaire Elf. Vilipendée par les médias, elle avait réussi a? se faire comprendre grâce à une autobiographie publiée par Les Arènes."

La négociation

"Nous détaillons notre offre : pas de chèque mirobolant mais des droits d’auteur confortables dans les habitudes de la maison ; le secret absolu et l’indépendance vis-à-vis des pressions éventuelles ; la possibilité? de se rétracter a? tout moment jusqu’au "bon à tirer" du livre ; aucune interview de promotion a? la sortie."

Le travail

"Je confie à Valérie Trierweiler un ordinateur non relié à Internet. Chaque semaine nous échangeons des clés USB. […] Il n’y a bien évidemment pas d’"écrivain fantôme" : elle est journaliste depuis vingt-sept ans […]."

"Nous découvrons la passion qui l’a unie à François Hollande et ce que fut sa vie au cœur du pouvoir : l’omniprésence des médias jusqu’à l’effroi, les liaisons incestueuses avec les journalistes dont elle est à la fois l’illustration et la victime, la personnalité ambivalente du chef de l’Etat et l’arrogance de caste qui règne dans les allées du pouvoir."

Le lancement

"Nous fixons la jauge à 200 000 exemplaires, dont une réserve importante de la moitié du tirage. C’est un pari risqué, mais nous pensons que le livre va bénéficier d’un fort bouche-à-oreille. Personne n’imagine alors l’impensable, c’est-à-dire le raz de marée des lecteurs qui va submerger les libraires françaises en deux jours. Florent Massot part en Allemagne avec une clé comprenant le texte et la couverture. Le lundi 1er septembre, c’est officiel : notre équipe de vente appelle plus de 650 libraires au téléphone en 48 heures, en leur confiant le nom de l’auteur, le titre et un résumé du contenu. Au final, le total des commandes atteint 99 000 exemplaires."

La médiatisation

"A midi, c’est l’étincelle : le compte rendu du Monde dévoile la dimension politique du livre et les trois lignes sur les sans-dents qui vont marquer les esprits. En juin, j’avais été saisi en découvrant la formule sous sa plume. J’avais demandé à Valérie Trierweiler si c’était une plaisanterie de mauvais goût, reprise hors contexte. Elle m’avait répondu que c’était un trait qu’elle avait entendu plusieurs fois."

"Alors commence la sarabande des commentateurs […]. Personne n’a le livre en mains, mais la machine est lancée. Le contexte politique a rendu la sortie du livre explosive. Nous assistons au déchaînement des passions."

La leçon

"En témoignant de sa vie aux côtés d’un chef de l’Etat en exercice, et en dévoilant ses contradictions, Valérie Trierweiler a profondément troublé une part de nous-mêmes attachée à la dimension sacrée du pouvoir. […] Quand la fièvre sera retombée, il restera sans doute de cette publication le divorce entre l’hostilité de la quasi-totalité des médias, notamment audiovisuels, et le rush des lecteurs, puisque nous avons dû imprimer 590 000 exemplaires en quinze jours pour répondre à leur demande. […] Les uns sont sensibles à l’authenticité d’une femme amoureuse répudiée en dix-huit mots […] Les autres […] sont édifiés par ce voyage à l’Elysée d’une irrégulière qui n’est pas bien née, ni sortie de l’Ena. C’est la force d’un livre : il cristallise l’époque."

C. F.

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