Avant-critique Essai

Laurent Larcher, "La fureur et l'extase. Un reporter de guerre face aux violences de masse" (Bayard)

Laurent Larcher - Photo © Virginie Perocheau/Bayard

Laurent Larcher, "La fureur et l'extase. Un reporter de guerre face aux violences de masse" (Bayard)

Dans un récit très personnel et poignant, le journaliste Laurent Larcher réfléchit sur le journalisme en zone de guerre et sur la violence de masse.

Parution 5 février

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Par Laurent Lemire
Créé le 03.02.2025 à 14h00

La soif du mal. Pourquoi la guerre ? Pourquoi fascine-t-elle autant qu'elle effraye ? Laurent -Larcher l'explique dans cet essai qui s'appuie sur son expérience de reporter sur le terrain des hécatombes, notamment au Rwanda. « La guerre est contagieuse. Elle surgit de moi, elle m'échappe, me domine. Infecté, je suis à mon tour contagieux. » Voilà pourquoi, sans doute, le journaliste à La Croix a envisagé son livre comme un antidote. Pour ne plus avoir à revivre ces nuits sans sommeil, ces bruits d'hélicoptères, ces cris et ces larmes, ces « ça, c'est l'Afrique ! » qui parsèment les pages de La fureur et -l'extase. Deux mots qui ne disent pas tout de ce métier à risque.

En une sorte de fil rouge, Laurent Larcher évoque la photographe Camille Lepage. Elle était avec lui quand il a assisté en 2013 au lynchage d'un homme à Bangui lors de l'opération française Sangaris en Centrafrique. Cette scène traumatique d'une cruauté insensée en rappelle d'autres comme le lynchage d'un jeune noble à Hautefaye en Dordogne en 1870. Dans Le village des « cannibales » (Aubier 1990), Alain Corbin avait voulu mettre en évidence la logique des sentiments à l'œuvre dans ce massacre. Laurent Larcher fait de même dans ce récit, sauf qu'il utilise la première personne du singulier, ce « je » qui l'implique. C'est aussi ce qui différencie le travail du journaliste de celui de l'historien. L'immédiateté du fait n'est pas soluble dans l'analyse. Voilà pourquoi il fait référence aux scènes de carnage dans la littérature, mais aussi dans le passé en Occident, pour rappeler que l'atrocité n'est pas une spécificité africaine. Mais qui pourrait en douter ?

René Girard, Hannah Arendt, Michel Foucault, Primo Levi, Stéphane Audoin-Rouzeau ou Jacques Semelin, qui a préfacé le livre, traversent aussi cette anthropologie de la violence empirique. Comme l'expliquait si bien Corbin et comme l'a vécu Larcher, il y a une sorte de « liesse du massacre » qui ne doit pas faire oublier les moments de grâce et les rencontres. Comme celle avec Camille Lepage. Elle a été assassinée en 2014 à la frontière camerounaise, elle avait 26 ans. Ce livre rend aussi un bel hommage à cette jeune femme lumineuse qui a perdu la vie pour que nous ne perdions pas la vue sur la réalité du monde.

Laurent Larcher
La fureur et l'extase. Un reporter de guerre face aux violences de masse
Bayard
Tirage: 2 500 ex.
Prix: 20,90€ ; 288 p.
ISBN: 9782227503007

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