5 OCTOBRE - LIVRE ILLUSTRÉ Canada/Belgique

Photo CARL NORAC, STÉPHANE POULIN/SARBACANE

Il s'appelle Rousseau, comme le philosophe, mais se réveille amnésique dans une chambre d'hôpital. Il aurait été victime, dans un bus, d'un attentat terroriste. Son pays vit sous un régime policier. Il est dominé par les chiens, dont il est censé faire partie, quoique les bandages qui entourent son visage ne permettent pas de le vérifier. Les chats, eux, incarnent les parias, marginalisés et pourchassés. Rendu à la vie, partant en quête de ses origines, Rousseau va errer dans la ville, d'un mur à l'autre, cherchant une issue, une lumière au milieu de cette guérilla inextricable de chiens et de chats, pesante et poisseuse. Apôtre d'un changement sans violence, il finit par apparaître aux réprouvés comme un nouveau Messie, tout en restant fondamentalement solitaire.

Porté en lui de longue date par Stéphane Poulin, un illustrateur québécois reconnu, qui a fait appel pour le texte à l'écrivain, auteur jeunesse et poète belge Carl Norac, Au pays de la mémoire blanche fait résonner les angoisses politiques, mais aussi intimes de notre temps : tant les menaces de la dictature et de l'apartheid que l'incertitude de la filiation. Mais leur approche demeure essentiellement onirique, poétique et fantastique, dans un album dont la puissance picturale est le premier atout.

Travaillant pendant cinq ans, à la mine de plomb pour les esquisses, puis à la peinture à l'huile sur toile pour réaliser les 150 tableaux qui constituent le livre, Stéphane Poulin a mis en scène un voyage sombre et fascinant. Tantôt isolés, tantôt agencés à la manière de cases de bande dessinée, ses dessins se détachent, lueurs fragiles et fascinantes, sur des pages d'un noir profond. C'est aussi de cette obscurité qu'émerge par bribes, dans des caractères blancs, le récit hébété de Rousseau, enfermé dans un entêtant cauchemar.

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