Connaissez-vous Joseph Kony ? Cet homme, aujourd’hui âgé de 53 ans, est le "leader" de l’autoproclamée "Armée de résistance du Seigneur", qui se donne pour but de renverser le régime ougandais et d’instaurer un système prétendument fondé sur les principes de la Bible et des dix commandements… Dans le même temps, cet "aimable" fou de Dieu fait actuellement l’objet d’un mandat d’arrêt du Tribunal pénal international pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Parmi ses premiers "exploits", l’enlèvement en 1996 de 139 jeunes filles du St Mary’s college d’Aboke (Ouganda). La directrice de ce collège catholique, une religieuse italienne, parvint à rejoindre les kidnappeurs et à les exhorter de renoncer à leurs desseins. Leur réponse fut d’une perversité criminelle inouïe : ils acceptèrent de relâcher 109 d’entre elles et demandèrent à la nonne de choisir elle-même les 30 qui durent rester et subir les visées criminelles de cette soldatesque enragée…
Cette histoire vraie, ces Trente filles, c’est le nouveau roman de Susan Minot (qui passe de Gallimard au Mercure de France). De cette peintre infiniment précise et élégiaque à la fois, des exigences du désir et du temps qui passe (que l’on se souvienne de Crépuscule ou d’Extase, 2000 et 2003), on n’attendait pas un tel corps-à-corps avec la fureur du monde. Ni, surtout, qu’elle s’y livre sans rien renier de cette douceur voilée, de cette sensualité, qui font tout le prix de son écriture. A ces trente gamines enlevées à leur vie, au bonheur, Minot adjoint Jane, une journaliste américaine venue en Ouganda pour raconter leur histoire. Et peut-être aussi, si ce n’est les retrouver, se retrouver un peu soi-même, après un chagrin, le plus grand possible, celui de la dépossession de soi. Au bout de la route, il y aura l’horizon et "la mort qui restait présente, tapie dans l’ombre de la beauté"… O. M.