Les maisons d'édition sont des entreprises fragiles qui, en période de crise économique, s'avèrent particulièrement exposées au risque de faillite, comme en atteste la récente mise en redressement judiciaire du Rocher et de DDB. Le législateur a envisagé en détail le sort des relations avec les auteurs, qu'il s'agisse des contrats, des droits impayés comme des stocks de livres. Le redressement ou la liquidation de l'éditeur - sa « faillite » dans le langage courant - sont des situations prévues par le Code de la Propriété Intellectuelle (CPI). Les textes abordent en particulier le sort du contrat d'édition. L'article L. 132-15 dispose que « Le redressement judiciaire de l'éditeur n'entraîne pas la résiliation du contrat  ». La cessation de paiement, le dépôt de bilan et la procédure de redressement judiciaire ne permettent pas, en tant que tels, aux auteurs, même impayés, de reprendre les droits sur leur œuvre. Au-delà de ces premières étapes, et si l'entreprise n'est malheureusement pas redressée avec l'aide de l'administrateur judiciaire, le sort des contrats dépend de la suite de la procédure. Il se peut que la maison soit vendue. La loi prévoit alors qu' « en cas de cession de l'entreprise d'édition (...), l'acquéreur est tenu des obligations du cédant  ». Rappelons que le contrat d'édition, comme celui relatif aux droits d'adaptation audiovisuelle, est conclu intuitu personae , c'est-à-dire en raison de l'identité, des qualités spécifiques des contractants. En théorie, chaque auteur doit donner son consentement personnel et éclairé à la cession des contrats qui le lient à son éditeur. Mais aux termes de la loi, il est possible de céder les contrats sans avoir à en référer aux auteurs, s'il y a cession de fonds de commerce, celle-ci pouvant notamment intervenir dans le cadre d'une faillite. Cependant, l'auteur peut toujours s'opposer à la cession de son contrat s'il apporte la démonstration que l'opération lui est gravement préjudiciable. Car, pour tout compliquer, le CPI prévoit qu'« en cas d'aliénation du fonds de commerce, si celle-ci est de nature à compromettre les intérêts matériels ou moraux de l'auteur, celui-ci est fondé à obtenir réparation même par voie de résiliation de contrat ». En pratique, on peut imaginer un tel cas de figure si les titres d'un historien de gauche étaient vendus à un repreneur connu pour ses accointances éditoriales avec l'extrême droite. Le Code précise encore que « lorsque le fonds de commerce d'édition était exploité en société ou dépendait d'une indivision, l'attribution du fond à l'un des ex-associés ou à l'un des co-indivisaires en conséquence de la liquidation ou du partage ne sera, en aucun cas, considérée comme une cession ». Il reste l'hypothèse la plus négative, c'est-à-dire la fin de la maison d'édition. Le CPI spécifie que « Lorsque l'activité de l'entreprise a cessé depuis plus de trois mois ou lorsque la liquidation judiciaire est prononcée, l'auteur peut demander la résiliation du contrat  ». Cette demande se fait, en général, par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au liquidateur. Si l'entreprise a purement et simplement fermé ses portes sans en informer le tribunal et qu'il n'y a donc pas de liquidateur de nommé, la lettre doit être envoyée à l'attention du représentant légal de la société, quand bien même la lettre reviendrait-elle «  non réclamée  ». En 1997, le Tribunal de grande instance de Paris a accordé résiliation à un auteur alors même que la société n'était pas officiellement en redressement judiciaire ; elle avait néanmoins cessé toute activité depuis plus de trois mois et ne rendait plus de comptes. Le sort des stocks de livres pris dans la tourmente de la faillite est lui-aussi fixé par le CPI : « Le liquidateur ne peut procéder à la vente en solde des exemplaires fabriqués (...) que quinze jours après avoir averti l'auteur de son intention, par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception  ». À l'issue de ce délai, « l'auteur possède, sur tout ou partie des exemplaires, un droit de préemption. À défaut d'accord, le prix de rachat sera fixé à dire d'expert ». Aux termes de l'article L. 131-8 du CPI, les auteurs disposent, comme les salariés, d'une créance privilégiée sur l'éditeur failli. Celle-ci peut s'exercer pour les trois dernières années de rémunérations dues. Ce privilège est cependant très théorique, car si les caisses sont vides - et à la différence des salariés - les créances des auteurs ne sont pas prises en charge par un fonds de garantie. Par ailleurs, une fois la mise en redressement prononcée, «  Lorsque l'activité est poursuivie (...) toutes les obligations de l'éditeur à l'égard de l'auteur doivent être respectées  ». Les droits à venir doivent donc être réglés. C'est a fortiori le cas si l'entreprise d'édition est en fin de compte « redressée » et s'en sort.
15.10 2013

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