Le droit à l’oubli est peu à peu discuté au Parlement français. La représentation nationale a en effet évoqué au printemps, dans le cadre de la loi santé, la possibilité d’instaurer un droit à l’oubli en faveur des anciens malades du cancer, qui sont la cible des banques et des assurances.
Une disposition plus générale figurerait aussi au menu de la loi numérique que la Secrétaire d’Etat Axelle Lemaire entend proposer au législateur dans les mois à venir.
Sans compter que les ministres de la justice de l’Union européenne ont abouti, le 15 juin dernier, après trois ans et demi de négociations, à une proposition visant à établir un « droit à l’oubli renforcé ». Ce qui devrait conduire au dépôt d’un projet de directive.
Un tel doit à l’oubli consiste en la possibilité de faire effacer des renseignements mis en ligne et dépasse donc le cadre strict de la loi du 6 janvier 1978. Celle-ci a néanmoins permis à la Commission nationale Informatique et libertés (CNIL) de demander à Google de retirer certains résultats de recherche. Le texte de 1978, aujourd’hui intégré au Code pénal, interdit par principe la collecte des informations les plus sensibles, c’est-à-dire celles qui sont relatives à la race, la religion, les opinions philosophiques, politiques ou syndicales. Les seules exceptions possibles concernent des situations très particulières, telles que peut en connaître, par exemple, une organisation religieuse.
Les fichiers plus anodins sont soumis à une autorisation soit législative, soit par règlement de la CNIL. En parallèle, subsiste un système de simple déclaration des fichiers qui visent à contenir les informations les plus banales (nom, adresse, etc.). Et tout individu fiché possède notamment un droit d'accès et de rectification, et doit en être informé. Un tel régime est en théorie contrôlé par la CNIL et sanctionné pénalement.
Il n’existe toujours pas, en France, de texte de loi spécifique au droit à l’oubli. Or, ce droit s’exerce quotidiennement sur internet et ce en vertu d’un arrêt rendu, le 13 mai 2014, par la Cour de Justice de l’Union Européenne.
Aux termes de ce cette décision, « l’exploitant d’un moteur de recherche est obligé de supprimer de la liste de résultats, affichée à la suite d’une recherche effectuée à partir du nom d’une personne, des liens vers des pages web, publiées par des tiers et contenant des informations relatives à cette personne, (...) même lorsque leur publication en elle-même (...) est licite ». Les magistrat ont pris soin de préciser que ce droit prévaut sur « l’intérêt économique de l’exploitant du moteur de recherche » tout comme « sur l’intérêt (du) public à accéder à ladite information », à l’exception du « rôle joué par ladite personne dans la vie publique ».
Cette jurisprudence s’est traduite par des dizaines de milliers de requêtes adressées à Google, auxquelles le moteur de recherche répondrait favorablement à près de 48 %. La justice française a, en décembre dernier, eu à se pencher pour la première fois, en référé, sur une telle demande et a ordonné la disparition sous dix jours d’informations relatives à une condamnation pour escroquerie remontant à 2006.
Une des difficultés réside par ailleurs dans la contradiction entre le droit à l’oubli et la prescription pour diffamation qui interdit toute action en justice plus de trois mois après la publication… D’où la nécessité pragmatique de voir un texte, qu’il soit national ou européen, définir le régime juridique exact du droit à l’oubli.
Le milieu du livre, et en particulier de l’édition de livres électroniques, devra sans soute appréhender cette évolution de notre société.