Paru en 2007 chez Christian Bourgois, le dernier livre en date de l'Aragonais, Le regard de la poupée gonflable, était une fable étonnante sur la folie douce. Grand spécialiste de l'absurde, né en 1932, Javier Tomeo nous étonne plus encore avec La nuit du loup. C'est le dernier jour de novembre, celui de la Saint-Andres. Un dénommé Macario navigue avec frénésie sur le Web grâce à son ordinateur, une manière comme une autre de s'instruire et de voyager. "A franchement parler, il ne sait pas faire grand-chose d'autre dans la vie", nous dit-on à son propos.

Nous apprenons aussi que son sujet de recherche favori du moment semble être le loup-garou. Le protagoniste de l'affaire est un homme portant un dentier et une montre à gousset. Un célibataire, installé dans une maison en dehors d'un village, à qui il arrive de tenir conversation avec lui-même et de se raconter "des histoires plus ou moins drôles". Lors de sa balade du soir, le voilà qui met hasardeusement le pied dans un trou à cinq cents mètres de chez lui et se tord la cheville gauche, tandis qu'un corbeau moqueur croasse au-dessus de sa tête.

Bien vite, une autre voix se fait entendre dans le paysage désert où les cars ne s'arrêtent plus. Celle d'un promeneur solitaire, un "homme assez gras, avec le regard doux et velouté d'un zébu", qui gémit sur son manque de chance et se plaint lui aussi de la cheville - mais de la droite. L'inconnu, qui confesse rapidement s'appeler Ismaël T et être assureur, s'inquiète de la présence dans les parages d'un loup, affirmant également que "le diable a une tête de lapin". Entre eux démarre alors une bien étrange conversation qui se met à rouler dans tous les sens...

Javier Tomeo, dont les éditions Corti publieront à la fin de février un autre livre, Lesamants de silicone, se montre ici en grande forme. Amateurs de récits linéaires, passez votre chemin. Fervents défenseurs de textes iconoclastes et de fables singulières, La nuit du loup est pour vous.