On ne lit pas tous les jours des inédits de Virginia Woolf (1882-1941). Remercions donc L’Herne d’exhumer Lundi ou mardi, un ensemble de huit nouvelles d’une inégale longueur publié en 1921 par The Hogarth Press, la maison d’édition fondée quatre ans plus tôt par Leonard et Virginia Woolf.
Le volume s’ouvre sur « Une maison hantée », « texte délicatement étrange » selon l’auteure des Vagues, qui parle en quelques pages d’une bâtisse avec jardin dans les Downs, d’un couple « fantomatique » qui « recherche sa joie », d’un trésor enterré, du vent, d’une porte qui claque, de rayons de lune.
« Une société » met en scène six ou sept femmes : Rose, Jane, Fanny, Clorinda ou Poll, qui ont convenu que « la vie n’avait pas d’autre objet que de produire des braves gens et de bons livres ». Ces dames qui prennent le thé ensemble ont formé une petite société ayant pour vocation de poser des questions et d’obtenir des réponses sur le bon fonctionnent du monde, au British Museum, dans la Marine du Roi, aux tribunaux ou à la Royal Academy ! Particulièrement bref, le texte « Lundi et mardi » tient du poème en prose et accompagne le vol d’un héron ou Miss Thingummy buvant son thé. Morceau de choix du volume, « Un roman non écrit » se déroule au moment où la paix a été signée entre l’Allemagne et les puissances alliés et a surtout fait découvrir à la romancière « comment donner corps aux dépôts de l’expérience sous une forme adéquate ».
Ne pas rater non plus « Kew Gardens » (1919) que Virginia Woolf tenait pour une « affaire d’atmosphère ». Ou « La marque sur le monde » qui clôt le recueil, écrit « d’une traite, comme en volant », telle qu’elle le confia à son amie Ethel Smyth dans une lettre. Comme le rapporte L’Herne, les pièces regroupées ici sont rarement affaire d’intrigue. On y retrouve juste la manière, inouïe et d’un raffinement rare, qu’avait Mrs Woolf de peindre le « flottement des êtres et des choses », leur rapport compliqué au monde qui les entoure. Alexandre Fillon