Loin de se limiter au seul périmètre de l'essai, l'écologie représente également un terrain de choix pour la fiction. Apparue au XXe siècle, principalement dans les catalogues de romans d'anticipation ou de science-fiction, la fiction écologique - ou écofiction, notion introduite en 1971 par l'auteur John Stadler dans l'anthologie éponyme - est en pleine expansion ces dernières années et permet aux maisons de rencontrer un nouveau lectorat.
« Depuis 2016-2017, la non-fiction ne -suffit plus pour toucher et sensibiliser le grand public », constate Thomas Bout, cofondateur de Rue de l'échiquier. Depuis 2018 et la parution d'Écotopia d'Ernest Callenbach (traduit par Brice Matthieussent), la maison s'attache à éditer trois romans par an et observe l'appétence des lecteurs et lectrices. « Nous avons publié en mars 2024 Les semeuses de Diane -Wilson, traduit par Nino S. Dufour, un texte portant sur la biodiversité et le féminisme. Il a reçu un accueil exceptionnel en librairie et la mise en place a été doublée par rapport à l'objectif fixé avec notre diffuseur--distributeur », relate l'éditeur. Autre exemple : L'arbre-monde de Richard Powers. Publiée en 2018 aux États-Unis, cette écofiction remporte le prix Pulitzer de la fiction en 2019. Traduite en France la même année par Serge Chauvin pour le Cherche Midi et réédité en format poche à deux reprises chez 10-18, l'œuvre s'est écoulée à près de 220 000 exemplaires tous formats confondus, selon les données GFK.
Traitement sensible
« La fiction permet d'engager les lecteurs et lectrices autrement et de manière plus sensorielle », observe Georgia Froman, éditrice chez Wildproject. La maison a elle aussi entamé une diversification de son catalogue et propose un nouveau roman le 7 mars. Dans Le soulèvement du Pacifique, Enzo Lesourt mêle « écologie politique et politique en racontant une histoire alternative de la Nouvelle--Calédonie dans un roman qui se lit comme un -thriller », résume l'éditrice. Interrogé par le média indépendant Basta ! en juillet dernier, l'écrivain Alexis Jenni estimait de surcroît qu'à travers « la dimension romanesque, on mobilise d'autres affects, d'autres émotions, on joue sur l'incarnation. Cela permet d'aborder ces problématiques autour de l'écologie sans être moralisant ni pontifiant ». L'écrivain a d'ailleurs cofondé en 2018 le Prix du roman d'écologie, qui décernera sa récompense en mai prochain.
À la tête du Passager clandestin depuis 2019, Pauline-Oranna Fousse abonde : « Sur les salons et festivals, le public demande davantage à lire des utopies, des livres qui certes condamnent et critiquent mais qui sont aussi porteurs d'espoir », relève-t-elle. Aussi, entend-elle répondre à cette demande à travers la collection « Dyschroniques », qui vise depuis plus de dix ans à publier « des récits anciens de science-fiction ou d'anticipation afin de montrer comment des auteurs et autrices ont pu être visionnaires sur le sujet ». Entre rééditions ou inédits, l'écofiction a été, est et visiblement restera.