Non sans humour, le fameux Gabriel García Márquez, dit "Gabo", prix Nobel de littérature 1982, et qui se définit comme "un Colombien errant et nostalgique », a toujours clamé sa répugnance à l'idée de prononcer des discours, allocutions, hommages et autres interventions orales. La preuve : en général, il les écrit, puis les lit. Nonobstant, sa longue carrière - né à Aracataca en 1927, il a commencé à publier ses premiers articles lorsqu'il était étudiant, et ses deux premiers livres en 1955 -, puis les circonstances de sa vie - il a vécu au Mexique, en France, en Espagne, à Cuba - l'ont plus ou moins contraint à se livrer à de nombreux "grands oraux", dont le premier remonte à... 1944. En voici une vingtaine rassemblée aujourd'hui.
Tous ne sont pas des textes majeurs, même si dictés par l'amitié : comme son hommage à ses frères et confrères Alvaro Mutis ou Julio Cortázar. Certains frôlent le ridicule dans la flagornerie : par exemple quand il qualifie Fidel Castro de "cinéaste le moins connu du monde », ou qu'il remercie son "mécène" pour le palais dont il lui a fait cadeau à La Havane ! Mais Gabo ne s'est jamais caché d'être et de demeurer procastriste, en dépit des défauts majeurs du régime du "Lider maximo », surtout en matière de démocratie et de liberté d'expression. Paradoxe pour un écrivain comme lui, qui a toujours milité pour l'émergence politique du sous-continent latino-américain. Et pour un lauréat du Nobel.
Justement, c'est son "discours de Stockholm" du 8 décembre 1982 qui constitue le sommet du recueil. García Márquez s'y livre à un panorama de toute l'histoire du sous-continent dès avant l'arrivée des conquistadores, puis à une évocation apocalyptique des drames qui ont frappé ses peuples. Avant de terminer par l'éloge des richesses inouïes de la langue espagnole, et sur une note d'espoir. Citant son "maître Faulkner », il conclut : "Je me refuse à accepter la fin de l'homme." Rien que pour cela, le jury de ses lecteurs déclare Gabo reçu à l'oral, avec mention.