La croissance du marché du livre d'occasion depuis plusieurs années presse les libraires d'adapter leur offre. Un atelier lui a été consacré lundi 4 juillet lors des 6e Rencontres nationales de la librairie, à Angers. Sur le thème “Le livre d’occasion en librairie : face aux enjeux écologiques et de pouvoir d’achat, faut-il s’emparer de ce marché et, si oui, comment ?”, il a donné lieu à une controverse autour du dispositif “Deuxième lecture” que le patron de la librairie L'Armitière, à Rouen, Matthieu de Montchalin, a prévu de lancer en septembre.
Dans un délai de deux mois, le client de L'Armitière aura la possibilité de ramener à la librairie un livre de fiction grand format qu’il a acheté à la librairie, celle-ci le reprenant à hauteur de 35% pour le revendre à 80% du prix neuf. En échange, le client reçoit un avoir. Il s'agit d'un “outil de fidélisation de la clientèle”, répète à plusieurs reprises le gérant de la librairie rouennaise. L’initiative vient compenser la suppression, depuis la pandémie de Covid-19, de la remise de 5% qu'elle proposait à ses fidèles clients.
Une durée de vie qui fait débat
Dans la salle du Centre du Congrès d'Angers, le public est dubitatif, tout comme les deux autres animateurs de l’atelier : l’autrice Jessie Magana et le directeur de Dargaud, Benoît Pollet.L’écrivaine jeunesse et membre de la Charte interpelle Matthieu de Montchalin à la fin de sa présentation : “Vous attendez seulement deux mois pour racheter un ouvrage et le revendre ?” Cette question du délai de revente d’un livre fait réagir dans la salle. En introduction, Jessie Magana avait rappelé la précarité des auteurs qui ne touchent qu’un faible pourcentage en droits d’auteur sur les ventes. Le livre d’occasion les fragilise davantage, puisque sa commercialisation ne donne pas lieu à un reversement aux auteurs, ni d'ailleurs aux éditeurs.
Certains déplorent la surproduction éditoriale et la baisse de la durée de vie d’un ouvrage. D’autres ont un avis plus tranché : “Vous devriez vous réjouir que vos livres soient vendus en occasion”, lance directement à Jessie Magana un libraire de livre d’occasion en ligne. Sur sa plateforme, le professionnel propose quatre anciens ouvrages de l’écrivaine. Selon lui, ces livres ne sont plus proposés en vente dans les librairies classiques et les lecteurs ne peuvent les découvrir qu’à travers l’occasion. Reste la question de la rémunération.
Tester et s'adapter
Aux critiques, Matthieu de Montchalin répond qu'il “ne sait rien, du délai de revente à proposer, du type d’ouvrages à intégrer dans le dispositif ou encore de l’aménagement des livres d’occasion.” Depuis longtemps, sa librairie qui revendique un chiffre d’affaires annuel de 7 millions d'euros propose des ouvrages en occasion, notamment des titres scolaires. Mais, depuis un an, Matthieu de Montchalin sent que le marché de l'occasion, pour le livre comme dans d'autres secteurs comme le vêtement, prend de l’ampleur. Pour lui, il ne faut plus attendre, mais tester pour savoir quelle position adopter.
Les tâtonnements sur la démarche à suivre s'expliquent également par le manque d’étude chiffrée sur le segment de l'occasion. La veille lors d'une session plénière des RNL sur “Plus de chiffre d’affaires, mais moins d’acheteurs ? Quel impact de la crise sur les clients ?”, la part de marché du livre d’occasion a été évaluée à 7%. Mais les professionnels attendent impatiemment l’étude que mène actuellement la Sofia sur le marché du livre d'occasion pour en tirer les leçons.