22 AOÛT - ROMAN France

Colombe Schneck- Photo JÉRÔME BONNET/GRASSET

La narratrice du nouveau livre de Colombe Schneck est une fille qui avoue porter des "sandales en chevreau mordoré", se complaire dans des "histoires d'amour impossible", aimer les "bains dans la Méditerranée". Cette fille, que l'on trouvait déjà notamment au coeur de Val de Grâce (Stock 2008, repris en J'ai lu) et qui ressemble beaucoup à l'écrivaine et journaliste, a pourtant envie d'écrire sur la Shoah, sur les heures noires de sa famille. De se pencher sur le destin tragique de Salomé Bernstein, gamine gazée à Auschwitz en 1943, dont il ne reste qu'une photo. Salomé était la cousine de sa mère. La nièce de sa grand-mère maternelle, Ginda.

Originaire de Lituanie, plat pays du nord de l'Europe, ladite Ginda était venue faire ses études en France en 1924. Elle avait épousé un médecin d'origine russe, Simkha Apatchevsky, avait eu avec lui deux enfants. Hélène, la mère de la narratrice, et Pierre, son oncle, devenu un écrivain important sous le nom de Pierre Pachet. Grand-mère parlait cinq langues couramment, jouait encore à cache-cache à 92 ans, portait un col en perles roses, vert amande, argentées, "qu'elle avait conservé, comme le Cantique des cantiques relié en cuir avec cette dédicace "For Ginda with love", offert par un soupirant américain".

La Lituanie, elle y était allée pour la dernière fois avec Simkha en 1936, traversant alors l'Allemagne nazie en train tout en apercevant les oriflammes, les inscriptions "Interdit aux Juifs" sur les magasins. Avec eux, il y avait leur fille. La petite Helenochka, prise en photo au studio Harcourt. Adulte, celle-ci fumerait des Gitanes sans filtre et lirait les romans de Philip Roth et d'Isaac Bashevis Singer. Elle serait si belle et délicate avec ses pommettes hautes, son teint doré, ses yeux verts parsemés d'or. Cachée pendant la guerre dans une institution religieuse derrière la ligne de démarcation, Hélène disait : "Etre Juif, c'est avoir peur", et devait chaque jour composer avec sa part de peine...

Née à Paris en 1966, héritière de ce passé-là, Colombe Schneck a plongé dans Le livre noir de Grossman et Ehrenbourg, dans La mort des Juifs de Nadine Fresco. Elle s'est documentée sur le ghetto de Kovno dont certains sont sortis vivants. Elle a enquêté, questionné les survivants, essayé d'assembler les pièces du puzzle. Réflexion sur la culpabilité, les secrets, la peur de la perte et les drames indélébiles de l'Histoire, La réparation est son livre le plus fort et le plus poignant.

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