Le départ brutal de la directrice de la bibliothèque André-Malraux, dans le 6e arrondissement de Paris, qui émeut les bibliothécaires parisiens au point de susciter des grèves et un rassemblement ce samedi, laisse un malaise tenace. Il s’agit d’un cas particulier dans l’arrondissement d’une grande municipalité. Mais ce n’est pas la première fois qu’un conflit éclate entre un maire et la direction d’une bibliothèque.
On ne peut que se féliciter de ce que les élus prennent à bras-le-corps les problématiques d’établissements dont ils assurent le financement et dont ils doivent garantir la qualité des services devant leurs administrés. Mais cette intervention ne saurait être productive sans un respect des prérogatives et des responsabilités de chacun. Si le développement d’une bibliothèque participe d’une politique municipale, il se fonde plus que jamais sur l’indépendance et la compétence de ses équipes et leur capacité à répondre aux attentes des usagers d’ailleurs de plus en plus considérés comme des clients.
Cette controverse justifie en tout cas pleinement que l’Association des bibliothécaires de France ait placé les moyens de surmonter les multiples tensions auxquelles ses membres sont confrontés au cœur de son 61e congrès, la semaine prochaine à Strasbourg. L’ABF abordera de front les défis budgétaires impliqués par la réforme des collectivités territoriales comme par la conjoncture économique. Elle débattra des difficultés des bibliothécaires à assurer leur mission démocratique dans le contexte d’effritement du vivre-ensemble mis en lumière par l’affaire Charlie. Elle s’interrogera sur l’évolution de la demande sociale à l’égard des établissements. Le pragmatisme avec lequel elle aborde ces sujets est la meilleure réponse à tous ceux qui n’envisagent les bibliothèques qu’au prisme de leur idéologie.
L’essor des fablabs est un autre exemple des efforts d’ouverture et d’adaptation des bibliothèques, loin de tout a priori et de tout messianisme. Le sort des bibliothèques est indissolublement lié aux relations qu’elles entretiennent avec les communautés dans lesquelles elles évoluent. Les bibliothécaires en ont une perception aiguë, jusqu’à accepter avec un haut niveau de conscience civique des remises en cause parfois déraisonnables de leurs moyens. Il est temps que leur professionnalisme soit reconnu et respecté par tous.