Le manga envahit Angoulême

Florent Chavouet : extrait de 'Tokyo Sanpo', Ed. Philippe Picquier, 2009.

Le manga envahit Angoulême

L'exposition « Mangapolis : la ville japonaise contemporaine dans le manga » qui s'ouvre demain à la Cité de la BD est accompagnée d'une université d'été, de quatre autres expositions et de nombreux événements dédiés au 9e art japonais.

Par Vincy Thomas
avec vt Créé le 15.04.2015 à 21h00

Angoulême se met à l'heure du manga à partir du 30 juin et jusqu'au 7 octobre. Un été japonais qui envahit la Cité internationale de la BD avec des expositions (Jirô Taniguchi, Dragon Ball, Dreamland et Tatsumi, d'après le film d'Eric Khoo), rencontres, projections, conférences, ateliers et une université d'été dédiée (du 2 au 4 juillet, avec pour thème l'exploration du phénomène qui a bouleversé le monde de la BD).

Invitation à la lecture et au voyage

Au coeur de l'événement, l'exposition « Mangapolis : la ville japonaise contemporaine dans le manga », qui a déjà été présentée à Poitiers au printemps et qui se prolongera à Lille cet automne. Le commissaire Xavier Guilbert, qui collabore au Monde Diplomatique, à Neuvième art et qui est le rédacteur en chef du site Du9.org, nous explique dans un entretien qu'il s'agit d'une invitation à la lecture et au voyage : « on s'est imposé la contrainte de ne présenter que des oeuvres disponibles en français pour bien faire le lien avec la narration et ne pas tomber dans la simple illustration. » Une grande partie des 200 planches exposées, dessinées par 40 auteurs (incluant des occidentaux comme Frédéric Boilet, Florent Chavouet ou Emmanuel Guibert), se retrouvent dans le catalogue édité par Le Lézard noir (voir également LH 915, 22 juin 2012, p.70 : portrait de l'éditeur).

Cette exposition créé une nouvelle segmentation : les mangas dont la ville est verticale, horizontale, centrale, ou ancrée dans une zone très précise. « Je voulais montrer que la ville était présente dans tous les mangas, quel que soit le genre de mangas » confirme le commissaire de l'exposition. « C'est dans le Shojo (pour les jeunes adolescentes, ndlr) que nous avons rencontré le plus de difficultés. »

Tokyo, une ville réelle pour des histoires fictionnelles

Contrairement au BD franco-belges ou aux comics américains populaires, où la ville est une abstraction, un mélange entre Paris et Bruxelles, New York et Chicago, les mangas reposent sur une réalité. Guilbert nous fait part de son analyse sur le sujet : « On est toujours dans un lieu qui existe réellement. Par exemple le QG de la police centrale à Tokyo est un bâtiment qu'on retrouve dans tous les mangas et même les séries. Il y a deux éléments pour expliquer ça. D'abord, la langue japonaise fait appel au contexte et, par conséquent, les situations narratives dans le manga sont contextuelles. Quand on change de lieux ou de scènes, très souvent on a une case unique dans toute la largeur de la page. On plante le décor. C'est flagrant, par exemple, dans Tokyo Daigaku Monogatari de Tasuya Egawa. »

Il poursuit : « Le deuxième élément est tout simplement le volume de production des mangas, qui oblige à prendre des « raccourcis ». De nombreux mangakas font appels à des reflets photographiques - avec des tables lumineuses, comme références ou encore en utilisant une photocopieuse. Il n'y a même pas besoin de retravailler l'image pour en faire un décor. Et les auteurs se l'approprient comme technique narrative. Chez Harold Sakuishi, notamment dans BECK, il s'agit même d'un vocabulaire propre. »

D'autres parties de l'exposition traduisent l'urbanisme nippon. Les moyens de transports - le train évidemment, la moto, ou même la circulation à pieds - fait prendre conscience des distances de la zone urbaine. « Le train c'est l'irrigation sanguine du Japon ce qui explique son omniprésence » précise-t-il. En revanche, la nature est peu présente : le commissaire avoue qu'il était impossible d'intégrer la petite ville japonaise par manque d'espace ; les zones hyperurbaines ont enfoui la nature, comme ces canaux cachés qui sillonnent la ville. Hideki Arai (The World is Mine) est celui qui l'évoque le plus, flirtant avec l'onirisme spirituel de Miyazaki.

Des sculptures de héros mangas dans la ville


Aujourd'hui, le manga s'est intégré jusque dans l'urbanisme des villes qui érigent des sculptures à l'effigie des héros. « Quand un manga s'ancre 40 ans dans un quartier ou une ville, cela devient un symbole de ce lieu. Il y a aussi la prise de conscience du Japon qu'il s'agit là d'un capital culturel important. Ils ont donc décidé d'investir sur cet enjeu économique et commercial. Le contenu est devenu une force politique, notamment en Asie. Le manga a envahi toute la signalétique, que ce soit Déjà avant la guerre, les produits dérivés de mangas existaient. » Guilbert rappelle que l'industrie du manga « pèse un tiers de l'édition locale. Les Japonais sont encore très liés à la culture de la lecture. »

Mais le Japon tel qu'on le rêve est également présent à travers les plumes occidentales. Il s'agit d'un Japon différent que le commissaire a souhaité montrer : « Les dessinateurs occidentaux ont un regard plus méditatif, plus tendre, avec le prisme de l'image qu'ils ont du Japon. Ils dépeignent un autre Japon, peut être plus proche d'un passé que les Japonais eux-même ont oublié. »

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Agenda, informations, détails des événements sur le site web de la CIBD

15.04 2015

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